LA LETTRE 28 mars 2025

La Lettre d’Afghanistan 28 mars 2025

La Lettre Edito 28 mars 2025

Un silence lourd de sens : les États-Unis tournent la page afghane

L’exclusion de l’Afghanistan du dernier rapport annuel sur les menaces terroristes établi par la communauté du renseignement américain constitue un virage diplomatique majeur. Après avoir placé les Talibans et leurs alliés au cœur de leurs préoccupations en matière de sécurité en 2024, Washington fait aujourd’hui le choix de les effacer du paysage des menaces globales. Une décision difficilement justifiable au vu des preuves accablantes de la présence d’Al-Qaïda et de l’État islamique au Khorasan (EI-K) sur le sol afghan.

Un jeu diplomatique trouble

Dans le même temps, la levée de la prime sur Sirajuddin Haqqani, ministre de l’Intérieur taliban et figure centrale du réseau Haqqani, révèle l’existence de tractations en coulisses entre les Talibans et l’administration américaine. À la suite de cette décision, un otage américain, George Glezmann, a été libéré, et des discussions ont été ouvertes sur la réouverture d’ambassades à Kaboul et Washington.

Par ailleurs, un échange de prisonniers se profile, impliquant l’Afghano-Américain Mahmood Habibi et Muhammad Rahim al Afghani, un ancien proche d’Oussama ben Laden détenu à Guantanamo. Les Talibans ne cachent plus leur stratégie : ils utilisent les otages comme levier diplomatique, et Washington semble prêt à faire des concessions.

Un Afghanistan toujours au cœur du djihadisme mondial

Ce repositionnement américain s’inscrit dans un contexte où les Talibans, loin de rompre avec le terrorisme, continuent d’héberger et de collaborer avec de multiples groupes jihadistes. Des rapports récents du Conseil de sécurité de l’ONU signalent une activité persistante d’Al-Qaïda dans plusieurs provinces afghanes, sous la protection des Talibans.

L’EI-K, de son côté, est identifié par Washington comme une menace en expansion, notamment en Asie centrale et au-delà. Pourtant, l’Afghanistan est étonnamment absent du dernier rapport américain sur les menaces mondiales. Un silence qui interroge sur les objectifs réels de Washington dans la région.

Une politique d’équilibre instable

Cette évolution laisse entrevoir une stratégie pragmatique : Washington semble parier sur une évolution progressive des Talibans vers un pouvoir plus modéré, tout en essayant de limiter l’influence de la Chine, qui multiplie les investissements miniers en Afghanistan. Mais cette approche comporte des risques majeurs : en légitimant indirectement les Talibans, les États-Unis risquent de renforcer un régime qui continue de bafouer les droits humains et d’abriter des terroristes.

Le recul américain face à la réalité jihadiste afghane ne trompe pas les observateurs avertis. La diplomatie des otages adoptée par les Talibans se révèle payante, et l’absence d’une politique claire vis-à-vis de Kaboul pourrait, à terme, favoriser un renforcement des groupes extrémistes dans la région et au-delà.


La LDIF à New York lors de la Commission du Statut des Femmes (CSW 69)

Trois anciennes ministres étaient présentes : Annie Sugier, présidente de la LDIF, et trois ancienne ministres (en haut à droite)Isabelle Rome, Nicole Ameline et Laurence Rossignol

12 mars 2025. La LDIF à New York lors de la Commission du Statut des Femmes (CSW 69)
Intervention sur « UN CRIME CONTRE L’HUMANITÉ: L’APARTHEID FONDÉ SUR LE SEXE »


Devant le scandale que constituent les violences de toute nature et privations de droits s’appliquant aux femmes en Afghanistan et en Iran, du fait même de la législation de leur État, Regards de Femmes en collaboration avec la Ligue du droit international des femmes (LDIF), a organisé un événement parallèle dans le cadre de la conférence de l’ONU.
Son objet était de proposer l’évolution de la loi internationale afin que ces violences institutionnelles soient qualifiées de crime contre l’humanité, tel que défini par le Statut de Rome, de la Cour Pénale Internationale, en remplaçant le mot « race » par celui de « sexe »: « actes inhumains commis dans le cadre de régimes institutionnalisés d’oppression et de domination d’un sexe sur l’autre ».
Cette définition est préférée à celle de persécution sexiste du Statut de Rome car cette dernière ne rend pas compte du fait que les régimes politiques visés se construisent sur la domination et l’oppression d’un groupe sur l’autre.
On notera que trois anciennes ministres étaient présentes : Nicole Ameline, Isabelle Rome et Laurence Rossignol. Madame Rome, Ambassadrice des Droits Humains, s’exprimant à titre personnel, a dit son approbation de la proposition présentée lors de l’atelier.

Quelle suite, avec quelles alliances?
Les Nations Unies ont créé un groupe de travail chargé d’actualiser la liste des crimes contre l’humanité.

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La reconnaissance de l’apartheid de genre en Afghanistan est justifiée

Auteur : Metra Mehran

Le régime taliban illustre une analogie systémique avec l’apartheid, où la discrimination et la ségrégation sexistes institutionnalisées ont entraîné une grave marginalisation et une exclusion des femmes, comparable à celle de l’Afrique du Sud sous l’apartheid. S’appuyant sur l’article II de la Convention contre l’apartheid comme référence principale, cet examen critique des décrets émis par les talibans depuis août 2021 démontre que leurs actions constituent des « actes inhumains » et violent le droit international. Il apporte également des preuves à l’appui des efforts juridiques et féministes appelant à la reconnaissance de l’apartheid de genre en Afghanistan.

Cette publication fait partie d’une série mettant en lumière les travaux et les analyses du Réseau de recherche sur l’Afghanistan (ARN), un projet organisé par la LSE / PeaceRep, et du Projet d’engagement civique (CEP). Le réseau rassemble plus de 20 chercheurs afghans (et plusieurs non-Afghans) aux expertises et aux parcours divers, qui étudient un large éventail de questions. Ce projet vise à soutenir les chercheurs afghans récemment contraints de quitter l’Afghanistan ; à garantir la fourniture d’expertise et d’analyses ; à éclairer les politiques et pratiques internationales adaptées au contexte afghan ; et à approfondir la compréhension de l’évolution des dynamiques politiques, sécuritaires et économiques.

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L’apartheid sexuel doit être reconnu comme un crime contre l’humanité, affirment les experts de l’ONU

Face à l’aggravation des défis mondiaux, l’apartheid de genre doit être reconnu comme un crime contre l’humanité, ont déclaré aujourd’hui des experts de l’ONU, soulignant la situation des femmes et des filles en Afghanistan.

« L’apartheid de genre n’est pas une simple possibilité théorique ou une construction juridique, mais une menace réelle et une réalité vécue par des millions de femmes et de filles à travers le monde – une réalité qui n’est actuellement pas explicitement codifiée en droit international », ont déclaré les experts de l’ONU.

Ils ont souligné que la qualification de l’apartheid de genre comme crime contre l’humanité serait une reconnaissance attendue depuis longtemps par la communauté internationale.

« Les lois, politiques et pratiques étatiques qui relèguent les femmes dans des conditions d’inégalité et d’oppression extrêmes, dans le but d’anéantir de facto leurs droits humains, reflètent le cœur même des systèmes d’apartheid », ont déclaré les experts.

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Plaidoyer pour la reconnaissance et la criminalisation de l’apartheid de genre

« Je ne suis pas libre tant que n’importe quelle autre femme est privée de sa liberté, même si ses chaînes sont très différentes des miennes. », Audre Lorde.

Alors que la persécution des femmes par les régimes afghan et iranien s’intensifie dans la quasi-indifférence des autres États, le mouvement End Gender Apartheid, mené par des femmes de la région, parmi lesquelles les Prix Nobel de la paix Narges Mohammadi et Malala Yousafzai, appelle à la reconnaissance du concept d’ « apartheid de genre » dans le droit international. La qualification et la criminalisation de ce système de persécution est indispensable pour que la communauté internationale puisse lutter efficacement contre ces régimes et protéger les femmes d’Afghanistan et d’Iran.

La guerre contre les femmes

En Afghanistan, en Iran, les femmes ne vivent plus. Elles survivent.

Comment peut-on vivre et s’épanouir sans pouvoir jouir des droits humains les plus basiques ? D’un côté de la frontière, le régime des Talibans, arrivé au pouvoir en août 2021, supprime un par un les droits des Afghanes. Privées d’éducation à partir de la sixième, interdites de travailler dans le secteur public, les organisations non gouvernementales (ONG) et une grande partie du secteur privé, bannies des parcs, salles de sport ou encore bains publics, et obligées à porter la burqa (voile intégral) à l’extérieur, les femmes sont progressivement effacées de l’espace public. Le démantèlement des organes défendant leurs droits, à l’instar du ministère des Affaires de la femme (remplacé par un ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice) ou des refuges pour les femmes victimes de violences, a entraîné l’augmentation des violences domestiques et des mariages forcés, contre lesquels les Afghanes n’ont plus de moyens d’action

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Responsabilité et justice pour l’Afghanistan : mise en place d’un mécanisme de collecte de preuves dirigé par l’ONU

L’Organisation Shahmama pour les droits de l’homme a organisé un événement parallèle en marge de la 58e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève, sur le thème « Responsabilité et justice pour l’Afghanistan ». Lors de cet événement, des militantes des droits des femmes et Richard Bennett, rapporteur spécial des Nations Unies sur l’Afghanistan, ont prononcé des discours sur la situation des droits humains, en particulier des droits des femmes en Afghanistan. Un chercheur de Human Rights Watch a appelé à la mise en place d’un mécanisme indépendant par l’ONU pour recueillir des preuves et établir les responsabilités des violations des droits humains en Afghanistan. Il a souligné la nécessité de combler le manque de documentation en Afghanistan, affirmant que la population afghane mérite un soutien sérieux de la communauté internationale. Le rapporteur spécial des Nations Unies a également mis en garde contre la détérioration de la situation des droits humains et la pression croissante des talibans, soutenant la création d’un mécanisme indépendant de responsabilisation pour compléter les efforts continus des organisations de défense des droits humains en Afghanistan.

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Rapport sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan 2024

Introduction

En 2024, l’Afghanistan a connu une diminution du nombre d’explosions et d’attentats-suicides, et par conséquent une réduction du nombre de victimes civiles. Cependant, d’autres formes de violations des droits humains ont considérablement augmenté par rapport à 2023. Par exemple, le nombre d’exécutions ciblées, mystérieuses et extrajudiciaires de personnes accusées de collaboration avec des groupes anti-talibans a doublé. Le nombre de disparitions forcées a augmenté de 70 %. Rawadari a recensé davantage de cas de torture ayant entraîné la mort. En 2024, on a également constaté une augmentation des détentions arbitraires et illégales par les talibans, entraînant une augmentation de 42 % par rapport à 2023. Cette augmentation pourrait être en partie due à l’introduction et à la pleine application de la loi dite « Promotion du vice et prévention de la vertu » (PVPV) en août 2024, qui a renforcé les restrictions existantes et en a introduit de nouvelles, notamment concernant les droits et libertés des femmes et des filles.

Rapport en anglais
Rapport en français

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Afghanistan : reprise du dialogue entre les Occidentaux et les talibans
Apartheid de genre et crime contre l’humanité – LA LETTRE d'AFGHANISTAN
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