Un tournant diplomatique : Les États-Unis retirent la prime sur Sirajuddin Haqqani

Un changement majeur dans la politique américaine
Le retrait de la prime de 10 millions de dollars sur Sirajuddin Haqqani, leader influent des Taliban et ministre de l’Intérieur afghan, marque une évolution significative dans la stratégie américaine vis-à-vis du régime afghan en place. Bien que le FBI continue d’afficher cette prime sur son site officiel, des sources proches du réseau Haqqani ont confirmé à la presse afghane que plusieurs figures clés de ce groupe ne figurent plus sur la liste des récompenses du département d’État.

Une conséquence des négociations américaines avec les Taliban
Ce développement intervient dans un contexte d’engagement accru entre les États-Unis et les Taliban. Plus tôt ce mois-ci, une délégation américaine, menée par Zalmai Khalidzad, l’homme de Trump sur l’accord de Doha, s’est rendue à Kaboul pour la première fois depuis 2021, mettant l’accent sur la libération des détenus américains. Cette visite a abouti à la libération de George Glezmann, prisonnier depuis plus de deux ans.

Tammy Bruce, porte-parole du département d’État, a confirmé que ces discussions incluaient des questions à plus long terme sans fournir de détails, citant des raisons de sensibilité politique. Ce manque de transparence suscite des interrogations sur la stratégie exacte des États-Unis en Afghanistan.

Les répercussions internationales
Le retrait des noms de la liste des sanctions, associé à des négociations diplomatiques, signale un assouplissement progressif de la politique occidentale envers le régime taliban. Cette tendance est également visible à travers l’engagement de l’Inde avec Kaboul. Le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a réaffirmé la nécessité d’interagir avec les autorités afghanes en place, notamment pour des raisons humanitaires. Depuis 2021, l’Inde a acheminé une aide alimentaire et sanitaire significative.

Ce repositionnement diplomatique traduit une réorientation des alliances stratégiques en Asie du Sud. Les États-Unis cherchent à consolider leur influence tout en adoptant une approche plus pragmatique vis-à-vis des Taliban. Dans ce contexte, l’Inde pourrait jouer un rôle plus actif tandis que le Pakistan, historiquement allié des Taliban, pourrait voir sa position relative évoluer, notamment en raison de son alignement croissant avec la Chine.

Symbolisme et réactions
Un des signaux les plus marquants de cette évolution est la suppression des slogans anti-américains qui étaient peints sur les murs de l’ancienne ambassade des États-Unis à Kaboul. Ce geste, bien que symbolique, illustre une tendance vers une communication plus modérée et un ton plus conciliant de la part du gouvernement taliban.

Toutefois, cette nouvelle orientation est loin de faire l’unanimité. Certains observateurs y voient une légitimation tacite du régime taliban et une trahison envers les militaires et civils victimes des attaques du réseau Haqqani. D’autres y perçoivent une nécessité stratégique pour éviter que l’Afghanistan ne devienne un terreau fertile pour de nouveaux groupes terroristes incontrôlables.

Vers une reconnaissance du régime taliban ?
L’absence de confirmation officielle de Washington sur le statut légal de Sirajuddin Haqqani et d’autres figures de son réseau laisse planer un doute sur les intentions américaines. Ce changement s’inscrit-il dans une approche progressive visant à normaliser les relations avec les Taliban ?

Alors que certains redoutent une reconnaissance implicite du gouvernement taliban, d’autres y voient une stratégie pragmatique permettant aux États-Unis de maintenir un certain niveau d’influence dans la région. Dans tous les cas, cette évolution souligne la complexité des dynamiques géopolitiques en Asie du Sud et le besoin pour les puissances occidentales d’adapter leur approche face à un paysage politique en constante mutation.

NDR : Zalmai Khalilzad, issu de la même tribu pachtoune (Ghelzai) que les Haqqanis, a joué un rôle clé dans le blanchiment de ces derniers. Il semble que la nouvelle administration, peut-être influencée par les conseils de Khalilzad, soit malheureusement disposée à investir dans le réseau Haqqani pour exercer une pression sur Haibatullah (Durranis).

Les femmes afghanes demandent à Trump de poursuivre Zalmay Khalilzad

KABOUL, Afghanistan — Une coalition de groupes de femmes afghanes a appelé le président Trump à poursuivre Zalmay Khalilzad, l’ancien envoyé américain en Afghanistan, l’accusant d’avoir trahi les valeurs américaines et facilité le retour des talibans au pouvoir.

Dans une lettre ouverte adressée à Trump, les femmes accusaient Khalilzad d’avoir « trahi » les valeurs américaines et « transformé les talibans, autrefois groupe terroriste, en force légitime » par son rôle de représentant spécial des États-Unis pour la réconciliation en Afghanistan. Elles soutenaient que ses actions avaient directement contribué à l’oppression et aux souffrances que subissent aujourd’hui les femmes afghanes sous le régime taliban.

« Il a affirmé à plusieurs reprises que les talibans avaient changé et qu’ils honoreraient leurs engagements – des affirmations aujourd’hui démenties », indique la lettre. « L’Afghanistan est devenu un refuge pour les groupes terroristes, dont Al-Qaïda et Daech, tandis que les femmes sont victimes d’assassinats, de lois brutales et d’une répression systémique. »

La lettre, signée par plus d’une douzaine d’organisations de femmes et de mouvements de protestation – dont le Mouvement des lanternes des femmes afghanes pour la liberté, le Mouvement des femmes afghanes pour la justice et le Conseil social des femmes de Bamyan – exhorte les États-Unis à tenir Khalilzad responsable devant un tribunal.

« En tant que victimes directes de cette trahison, les femmes afghanes sont témoins des conséquences catastrophiques de la politique de Khalilzad », ont écrit les groupes, appelant à ce qu’ils décrivent comme un processus juridique juste et transparent.

La lettre affirme en outre que les efforts diplomatiques de Khalilzad ont non seulement provoqué une catastrophe humanitaire en Afghanistan, mais ont également constitué une menace plus large pour la sécurité mondiale.

Khalilzad, qui a mené les négociations avec les talibans sous les administrations Trump et Biden, n’a pas répondu publiquement à la lettre.



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