Dénoncer les anciennes alliances et mettre à l’épreuve la conscience de l’Occident

Arian Nasiri

Russia’s Recognition of the Taliban

Dénoncer les anciennes alliances et mettre à l’épreuve la conscience de l’Occident

par Arian Nasiri

Arian Nasiri

Jul 04, 2025

La récente reconnaissance du régime taliban par la Russie marque un creux moral et diplomatique dans les affaires internationales. Ce que beaucoup craignaient depuis longtemps est désormais une réalité : la Russie est de retour sur la scène afghane, non pas avec des chars, mais avec un soutien diplomatique sans réserve à un régime qui gouverne par la répression, exécute les dissidents et a banni les femmes de la vie publique.

Il ne s’agit pas d’un changement géopolitique soudain, mais de l’aboutissement d’une relation longue et secrète. Tout au long des deux décennies de présence de l’OTAN en Afghanistan, la Russie a discrètement soutenu les talibans en coulisses. Selon une enquête du New York Times de 2020, le renseignement militaire russe (GRU) a versé des primes à des combattants liés aux talibans pour tuer des soldats américains. Des responsables américains et de l’OTAN ont confirmé que cela s’inscrivait dans une stratégie russe plus large visant à saper la mission occidentale. Un rapport du Washington Post de 2021 a révélé comment les armes, la logistique et les circuits de contrebande russes ont contribué à soutenir les talibans pendant des années, notamment par le biais d’engins explosifs improvisés et d’un soutien tactique qui a infligé des pertes dévastatrices aux forces afghanes et occidentales.

Ce soutien a laissé derrière lui un sillage de souffrances : des milliers de civils tués, des enfants mutilés et des soldats perdus, tandis que la Russie alimentait le feu à distance. Aujourd’hui, en reconnaissant officiellement les talibans, Moscou montre son véritable rôle, non pas celui d’observateur neutre, mais celui d’allié indéfectible d’une dictature fondamentaliste.

Ce qui rend ce moment encore plus tragique, c’est la trahison de tout ce qui a été construit. Pendant vingt ans, les nations occidentales, aux côtés de millions d’Afghans, ont œuvré à l’établissement d’une société fondée sur les droits humains, l’éducation, la liberté de la presse et l’égalité. Des centaines de milliards de dollars de l’argent des contribuables occidentaux ont été investis. Des milliers de soldats ont donné leur vie. Des Afghans et des Afghanes ont tout risqué pour un avenir meilleur. Et maintenant, sans résistance significative, les gouvernements occidentaux laissent cet avenir être livré à un régime de peur et d’exclusion.

La Russie, longtemps hostile aux progrès afghans, récolte aujourd’hui les fruits du recul occidental.

L’Afghanistan n’est pas le seul à suivre ce schéma. L’Ukraine est elle aussi prise sous la même emprise autoritaire. En Ukraine, la Russie envahit le pays avec des chars et des missiles. En Afghanistan, elle arme et légitime les théocrates. Mais dans les deux cas, l’objectif est le même : écraser l’indépendance, saper la démocratie et étendre l’influence du pouvoir autoritaire. Les parallèles sont frappants. Les deux nations croyaient en la liberté. Toutes deux plaçaient leurs espoirs dans le soutien occidental. Et toutes deux, à des moments critiques, ont été laissées seules. Les campagnes de la Russie, militaires pour l’une, secrètes pour l’autre, visaient à démanteler les structures démocratiques, à manipuler les récits mondiaux et à créer des sphères de peur, et non de souveraineté. Et pourtant, les deux peuples continuent de résister. Tous deux crient à un monde qui défendait autrefois la justice et la liberté. Ces valeurs ont-elles encore un sens ? Ou sont-ils devenus des slogans sélectifs, des outils de commodité plutôt que de conviction ?

Parallèlement, des efforts visant à normaliser les talibans émergent en Occident. Des personnalités comme Zalmay Khalilzad, ancien envoyé américain et architecte de l’accord de Doha, ont activement façonné des récits qui encouragent une acceptation progressive du régime taliban. Parallèlement, certains soi-disant influenceurs occidentaux sont envoyés en Afghanistan sous la protection des talibans, leurs frais étant pris en charge, afin de produire une presse soignée présentant le régime comme « stable » et « hospitalier ». Ces visites ne sont pas innocentes, elles font partie d’une machine de propagande visant à remodeler la perception du public.

Nous devons donc nous demander : ces images mises en scène et ces jeux diplomatiques peuvent-ils corrompre la boussole morale de l’Occident ? Sommes-nous gouvernés par la conscience, ou par des intérêts à court terme et un cynisme stratégique ?

L’Occident, malgré ses défauts, défend depuis longtemps des idéaux qui ont transformé le monde : la liberté, la dignité, la démocratie et la défense des faibles. Ces valeurs ont renversé des tyrans, donné du pouvoir aux nations et inspiré des générations. De Berlin à Kiev, de Tunis à Téhéran, le message de liberté a résonné.

L’Occident reste fermement aux côtés de l’Ukraine, défendant haut et fort sa souveraineté et son peuple. Mais la conscience ne peut être sélective. La même force morale qui soutient l’Ukraine doit également soutenir l’Afghanistan.

Contrairement à la propagande des talibans, l’Afghanistan n’est pas une nation vaincue. L’esprit de résistance y est profondément ancré. Les fils et filles courageux de ce pays, réduits au silence mais non brisés, se préparent en silence au jour où ils pourront reconquérir leur avenir. Ils croient en la liberté, même lorsque le monde la nie. L’Occident est désormais confronté à un choix historique : soutenir le peuple afghan dans sa lutte pour la dignité et les droits, ou l’abandonner et subir les conséquences de l’enracinement incontrôlé de l’extrémisme. L’issue ne se limitera pas à l’Afghanistan.

Des milliers d’écoles radicales et des centaines de milliers de jeunes endoctrinés sont en train d’émerger, préparant une génération d’auteurs de suicides qui ne se contentent plus d’opérer à l’intérieur des frontières afghanes. Ils les traverseront.

Mais il n’est pas trop tard.

Le peuple afghan est toujours debout. Ils sont vivants, éveillés et s’accrochent à l’espoir. Si le monde libre croit encore en ses valeurs fondatrices, si la conscience humaine peut l’emporter sur la commodité, alors un avenir différent est possible, un avenir où l’Afghanistan devient non pas une source de peur, mais un phare d’espoir.

Le moment est venu de se tenir à leurs côtés, pas seulement pour eux, mais aussi pour le nôtre. Pour un monde où la liberté est un droit pour tous, pas un privilège pour certains.



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