Le pillage des ressources afghanes : une catastrophe silencieuse

source principale : https://8am.media/eng/plundering-afghanistans-mineral-wealth-global-silence-and-environmental-destruction/

L’Afghanistan, pays aux sous-sols d’une richesse exceptionnelle, pourrait s’appuyer sur ses ressources minières pour construire une économie durable, réduire la pauvreté et soutenir son développement. Pourtant, depuis la prise du pouvoir par les Talibans en août 2021, ces ressources sont l’objet d’une spoliation systématique, dans un silence quasi-total de la communauté internationale. Ce pillage organisé, dépourvu de tout fondement légal, détruit non seulement l’environnement, mais compromet aussi les droits économiques des citoyens et l’avenir même du pays.

Une richesse stratégique confisquée

Dans les économies fragiles, les ressources minières jouent un rôle central dans le développement. Si elles sont exploitées selon des normes transparentes et scientifiques, elles peuvent générer des revenus publics, créer des emplois, soutenir l’industrialisation et améliorer les infrastructures. Les lois nationales et les traités internationaux insistent donc sur la nécessité d’une gestion équitable et responsable, au nom de la justice intergénérationnelle et des droits de l’homme.

Mais en Afghanistan, la réalité est toute autre. Depuis la chute de la République, les Talibans ont accaparé plus de 700 sites miniers, qu’ils ont confiés à des entreprises étrangères – souvent issues de pays voisins – en dehors de toute légalité nationale ou reconnaissance internationale. Il s’agit d’un détournement flagrant du droit des peuples à disposer de leurs ressources naturelles, un principe fondamental inscrit dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Une économie mafieuse au service de la guerre

Les revenus issus de ces exploitations minières ne financent ni les écoles, ni les hôpitaux, ni les routes. Ils alimentent plutôt la machine de guerre talibane, renforcent les réseaux extrémistes et assurent la fidélité des commandants locaux, à qui sont attribuées des concessions minières comme récompenses. Ce système de prédation transforme les richesses du pays en instruments de répression et de consolidation du pouvoir d’un régime illégitime. Le peuple afghan, lui, est totalement exclu de cette manne. L’économie nationale bascule ainsi dans un modèle de type mafieux, où la force prime sur le droit, et où l’intérêt collectif est sacrifié au profit d’intérêts de factions armées.

Des conséquences environnementales irréversibles

L’extraction minière menée par les Talibans ne respecte aucune norme environnementale. Aucune étude d’impact n’est réalisée, aucun encadrement technique n’est appliqué. Résultat : des dégâts écologiques massifs et souvent irréversibles.

Les sols sont érodés, les terres agricoles deviennent stériles, la végétation est détruite, les habitats naturels disparaissent, et la biodiversité s’effondre. Les nappes phréatiques sont contaminées par les produits toxiques utilisés dans les opérations minières, rendant l’eau potable impropre à la consommation et mettant en danger la santé publique.

Ces pratiques violent non seulement les principes du développement durable, mais aussi les engagements internationaux de l’Afghanistan. Le pays est signataire de plusieurs traités internationaux sur l’environnement – notamment la Convention sur la diversité biologique et l’Accord de Paris sur le climat – qui exigent la protection des ressources naturelles et la garantie d’un environnement sain pour les générations futures.

Mais les Talibans, structure non étatique dépourvue d’institutions spécialisées, ne montrent aucun respect pour ces principes. Leur politique extractive est non seulement illégale, mais profondément destructrice.

Une menace régionale

Les dommages environnementaux provoqués par cette exploitation effrénée ne se limitent pas aux frontières de l’Afghanistan. L’érosion, la pollution des eaux et les déséquilibres climatiques risquent d’avoir des répercussions sur les pays voisins, notamment au Pakistan, en Iran, en Asie centrale et même en Chine. Or, selon le droit international, les États ont l’obligation de prévenir les préjudices environnementaux transfrontaliers. L’inaction des Talibans dans ce domaine pourrait donc justifier une responsabilité internationale pour atteinte à la sécurité écologique régionale.

Le silence coupable de la communauté internationale

Malgré des preuves accablantes de pillage, de violations des droits économiques et de destruction écologique, les grandes institutions internationales – comme l’UNAMA, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ou l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime – restent désespérément silencieuses. Ce mutisme n’est pas seulement moralement problématique, il constitue une faillite juridique.

La doctrine onusienne de la « responsabilité de protéger » (Responsibility to Protect) impose à la communauté internationale d’intervenir lorsque des populations sont privées de gouvernement légitime et que leurs droits fondamentaux sont bafoués. Or, en Afghanistan, les droits à l’eau, à l’environnement sain, aux ressources économiques et à la souveraineté populaire sont tous systématiquement violés.

Plusieurs actions concrètes pourraient être entreprises : sanctions ciblées contre les entreprises étrangères complices des Talibans, documentation juridique rigoureuse des violations, activation des tribunaux internationaux. Mais rien ne se fait. La realpolitik, les intérêts géostratégiques et la lassitude face à l’Afghanistan semblent avoir figé toute volonté d’agir.

Reprendre le contrôle, reconstruire un avenir

Pour briser ce cycle destructeur, il ne suffit pas de dénoncer. Il faut proposer un plan de reconstruction. L’article de 8am.media énumère plusieurs recommandations :

  • Documenter les violations économiques et environnementales grâce aux ONG, aux journalistes et aux chercheurs.

  • Engager des poursuites internationales contre les entreprises collaborant avec les Talibans.

  • Promouvoir un processus de transition politique, soutenu par la communauté internationale, pour restaurer un gouvernement légitime basé sur les droits humains.

  • Restreindre l’extraction minière à des cadres transparents, participatifs et durables, associant les communautés locales et respectant les normes internationales.

Une nation dépossédée

Le pillage des ressources afghanes est un crime silencieux. Il détruit les bases économiques d’un pays, alimente les conflits, ruine l’environnement, et prive des millions de citoyens de leur droit à un avenir digne. En tolérant cette situation, la communauté internationale abdique sa responsabilité envers un peuple pris en otage.

Il est encore temps d’agir. Pour les Afghans d’aujourd’hui, et ceux de demain.


Sources :

  • Constitution afghane (2004)

  • Loi sur les mines (2018)

  • Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

  • Accords environnementaux internationaux (Convention sur la biodiversité, Accord de Paris)

  • Résolutions de l’ONU sur la souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles

  • 8am.media – article original disponible ici : lien



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