Retour du Spectre : l’État islamique prépare des attaques sur des cibles civiles en Occident

En 2025, le risque d’un attentat de grande ampleur perpétré par l’État islamique contre des cibles civiles dans les démocraties occidentales n’est plus une hypothèse théorique, mais un scénario opérationnel que les services de renseignement américains jugent « probable » à horizon douze mois. Le dernier rapport de la Defense Intelligence Agency (DIA), inclus dans l’évaluation mondiale des menaces, est sans détour : les cellules actives de l’EI – notamment la branche afghane ISIS-K – sont en pleine résurgence et ciblent prioritairement les soft targets. Hôpitaux, stades, aéroports, églises et festivals : tout lieu ouvert, symbolique ou difficile à sécuriser pourrait devenir le théâtre d’un nouveau carnage.

Ce document confidentiel — AX INTEL REPORT : ISIS Threat to the West in 2025 – Soft Target Alert — dévoile les grandes lignes d’une stratégie de terreur réactivée, rendue possible par le vide sécuritaire en Afghanistan, les failles dans les systèmes migratoires, et une attention médiatique détournée vers d’autres menaces.

Un avertissement sans filtre

Le « Bottom Line Up Front » (BLUF) de ce rapport est sans ambiguïté : l’État islamique va tenter un attentat majeur en Occident d’ici mi-2026. L’alerte concerne non seulement les États-Unis, mais aussi leurs alliés européens. Les analystes du renseignement s’inquiètent particulièrement de la combinaison d’éléments explosifs : regain d’activité d’ISIS-K en Afghanistan, capacité intacte d’AQAP au Yémen, et vulnérabilité migratoire à la frontière sud des États-Unis.

En 2024, huit individus liés à l’EI ont été interceptés à la frontière mexicaine. Le chiffre en lui-même est alarmant, mais ce qui inquiète davantage encore, c’est ce qu’on ne voit pas : les réseaux de passeurs latino-américains infiltrés par des groupes jihadistes, profitant du chaos migratoire pour acheminer du personnel opérationnel.

Des cibles choisies pour leur impact psychologique

L’objectif de l’État islamique n’a pas changé : faire mal, frapper l’imaginaire collectif, diffuser la peur. Mais les méthodes évoluent. Les cibles désignées dans le rapport — stades, aéroports, églises, hôpitaux, événements publics — partagent trois caractéristiques : elles sont ouvertes, symboliques et génératrices de chaos.

On pense immédiatement à l’attentat de Manchester (2017), ou au massacre de Paris en novembre 2015, modèles de référence pour les stratèges de l’État islamique. Le rapport évoque même la possibilité d’attaques coordonnées sur plusieurs sites majeurs à la manière de Mumbai 2008 — une hypothèse classée comme la plus dangereuse par les analystes.

ISIS-K : la bête renaît dans l’ombre talibane

Depuis le retrait américain d’Afghanistan, ISIS-K a augmenté de 60 % son activité opérationnelle. Les talibans, malgré leur rhétorique sécuritaire, ne contrôlent pas les zones tribales de l’Est, où l’EI a reconstitué ses bases. Recrutement, entraînement, opérations suicide, assassinats ciblés : tout est en place pour exporter la terreur. Et l’idéologie reste intacte : frapper les « infidèles », humilier les puissances occidentales, venger la défaite califale de 2019.

En parallèle, Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA) maintient une capacité de nuisance intacte. L’organisation, affaiblie structurellement, continue à viser les infrastructures aériennes — avec un savoir-faire éprouvé en matière de dissimulation d’explosifs.

Frontière sud des États-Unis : le talon d’Achille

Le rapport s’attarde particulièrement sur la crise migratoire de 2024, avec 2,5 millions d’interceptions. Parmi elles, des individus issus de zones sensibles, acheminés par des filières désormais soupçonnées de connivence avec des acteurs terroristes. La faiblesse du filtrage biométrique, l’engorgement des capacités de traitement et le recours à des identités multiples rendent le dispositif structurellement vulnérable.

Il est d’autant plus préoccupant que l’appareil antiterroriste américain est déjà sous tension, mobilisé par la montée des extrémismes intérieurs, les menaces d’ultragauche et l’explosion des formes de radicalisation numérique. L’attention se disperse, les ressources s’épuisent, et le loup peut entrer par la porte de service.

Des scénarios crédibles, une menace réelle

Le rapport distingue trois scénarios :

  • Le plus probable : une attaque de type « low tech » (voiture bélier, attaque au couteau, fusillade) dans une zone peu protégée. Peu de préparation, mais un impact psychologique fort.

  • Le plus dangereux : une attaque coordonnée sur plusieurs lieux symboliques : un stade, un aéroport, un lieu de culte. Avec un nombre de victimes dépassant la centaine, ce scénario viserait à provoquer l’état d’urgence, voire la panique de masse.

  • Le moins probable : une année sans attaque majeure grâce à la neutralisation des cellules. C’est le scénario espéré, mais pas celui anticipé.

Une urgence stratégique pour l’Occident

Le retour en force de l’État islamique, sous une forme plus fluide, plus décentralisée, mais toujours aussi meurtrière, confirme ce que les plus lucides craignaient : l’idéologie n’est pas morte, elle a muté. ISIS-K n’a pas besoin d’un califat territorial pour tuer. Il lui suffit d’un canal Telegram, d’une frontière poreuse, d’un couteau de cuisine, et d’un fanatique isolé.

Pour les démocraties occidentales, la défense des “soft targets” devient un impératif sécuritaire majeur. Cela implique un réarmement du renseignement humain (HUMINT), des capacités de surveillance (SIGINT), et une meilleure coordination entre agences locales, nationales et internationales. Il faut aussi renforcer la cybersurveillance, assainir les filières migratoires, et anticiper plutôt que subir.

Car le plus grand risque, désormais, ce n’est pas l’attaque spectaculaire, mais l’indifférence rampante qui précède l’explosion.



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