L’Afghanistan sûr ? Quand le mensonge taliban s’effondre sous les faits

Afghanistan, un pays sous tension : entre déni sécuritaire des Talibans et alertes de l’ONU

Alors que les Talibans proclament à grands renforts de discours que l’Afghanistan est « plus sûr que jamais », le dernier rapport du Secrétaire général de l’ONU, publié le 11 juin 2025, dresse un constat implacable : la situation sécuritaire, loin de s’améliorer, continue de se dégrader. Cette contradiction entre la propagande du régime et la réalité du terrain révèle bien plus qu’un simple différend de communication : elle éclaire les limites d’un pouvoir autoritaire confronté à des dynamiques internes et régionales qu’il ne contrôle pas totalement. Retour sur une illusion de sécurité construite sur la répression, la censure, et la marginalisation de tout ce qui n’est pas taliban.

Un rejet en bloc du rapport onusien

Le porte-parole des Talibans, Zabihullah Mujahid, n’a pas mâché ses mots : le rapport de l’ONU serait une fabrication « fondée sur la désinformation » et guidée par une « volonté propagandiste ». En prétendant que l’Afghanistan vit « en paix sous un système fondé sur la charia », les Talibans cherchent à imposer leur récit à une communauté internationale qu’ils accusent d’hostilité et d’ingérence. Mais ce rejet systématique de toute critique extérieure s’inscrit dans une stratégie plus large de déni de réalité, qui n’empêche pas les faits d’exister.

Des chiffres qui parlent : une hausse des violences

Entre février et avril 2025, le rapport de l’ONU recense 2 299 incidents de sécurité, soit une hausse de 3 % par rapport à la même période en 2024. Cette augmentation concerne aussi bien les vols (175 recensés, +7 %) que les attentats revendiqués par des groupes armés comme l’État islamique au Khorassan (ISKP) ou encore des attaques menées par les deux principales forces d’opposition armée : le Front national de résistance (NRF) et le Front pour la liberté de l’Afghanistan (AFF). Ces chiffres ne traduisent pas une paix restaurée, mais bien un pays où la violence reste omniprésente, même si elle change de forme.

Les attaques de l’opposition armée : une présence plus symbolique que stratégique

Si les actions du NRF (56 attaques) et de l’AFF (16 attaques) ne remettent pas en cause le contrôle territorial des Talibans, elles maintiennent une pression constante, notamment dans certaines provinces comme le Panjshir, Takhar ou Kapisa. En avril, l’AFF a même observé une trêve pendant le Ramadan, ce qui témoigne d’une stratégie de légitimation politique plus que d’une volonté de guerre totale. Il n’en reste pas moins que ces groupes, bien que militairement limités, incarnent une contestation durable et organisée à la prétention des Talibans d’incarner « l’unité nationale ».

ISKP : l’ennemi intérieur incontrôlable

Loin d’avoir été neutralisé, l’État islamique-Khorassan continue de défier l’autorité talibane. L’attentat suicide du 11 février à Kunduz, qui a tué 19 personnes, dont 15 talibans, est emblématique d’un groupe capable de frapper le cœur du pouvoir sécuritaire. D’autres attentats, comme celui du 13 février à Kaboul contre le ministère du Développement urbain, confirment la résilience d’un terrorisme qui trouve des failles dans le dispositif taliban. Ces attaques sapent le discours officiel de sécurité restaurée et mettent en lumière la vulnérabilité des infrastructures de l’émirat islamique.

Tensions transfrontalières : une poudrière avec le Pakistan

L’autre front, moins visible mais tout aussi explosif, est celui des clashes frontaliers avec le Pakistan. Entre février et avril, de multiples incidents ont été enregistrés dans les provinces de Nangarhar, Kunar, Khost et Paktika. Le 22 février, les affrontements ont conduit à la fermeture temporaire du poste frontière de Torkham. Des affrontements meurtriers se sont également produits en avril, faisant au moins 54 morts parmi des militants TTP présumés, selon Islamabad. Ces tensions illustrent un paradoxe : alors que le Pakistan a longtemps soutenu les Talibans, il se retrouve aujourd’hui en posture conflictuelle face à un régime qu’il ne contrôle plus entièrement.

Des civils toujours en première ligne

Le rapport recense de nombreuses victimes civiles, qu’il s’agisse de frappes aériennes pakistanaises (comme à Paktika le 28 mars, où 7 civils ont été tués), d’explosions d’engins non explosés (majoritairement des enfants), ou encore d’exécutions publiques ordonnées par les Talibans (quatre en avril). Les Nations Unies alertent : l’Afghanistan reste un pays où les droits fondamentaux, y compris le droit à la vie, sont bafoués. La prétendue sécurité n’est donc pas celle des citoyens, mais celle d’un pouvoir soucieux de maintenir l’ordre à tout prix.

Contrôle autoritaire et surveillance généralisée

La sécurité que revendiquent les Talibans s’accompagne d’un système de surveillance et de répression omniprésent. L’application rigoureuse de la loi sur la Propagation de la vertu et la prévention du vice (PVPV) a transformé la vie quotidienne en une succession de contrôles arbitraires, notamment à l’encontre des femmes, des jeunes, et des anciens fonctionnaires. Le rapport souligne que même la présence d’un mahram devient une condition pour accéder à des services essentiels, ce qui fait de la sécurité un instrument de contrôle plus qu’un bien collectif.

L’insécurité comme outil de gouvernance

Face à ces constats, la réaction talibane n’est pas de remise en question, mais de surenchère idéologique : interdiction des débats politiques à la télévision, arrestations de journalistes accusés de collaborer avec des médias étrangers, marginalisation des avocats indépendants, isolement des voix dissidentes. Le message est clair : la sécurité, dans l’Afghanistan des Talibans, est synonyme d’obéissance. Toute forme de pluralisme est perçue comme une menace.

Un discours politique en rupture totale avec les faits

Ce fossé entre le discours triomphaliste des Talibans et la réalité exposée par l’ONU fragilise leur prétention à la légitimité internationale. En insistant sur leur souveraineté et leur modèle islamique pur, les Talibans ferment la porte à toute forme d’engagement constructif avec les instances multilatérales, tout en continuant à dépendre de l’aide humanitaire. Cette contradiction rend toute sortie de crise plus difficile : comment dialoguer avec un pouvoir qui nie l’existence même des problèmes ?

Le prix du silence international

Enfin, le rapport rappelle que la crise sécuritaire en Afghanistan n’est pas qu’une affaire afghane. Elle a des répercussions régionales majeures (retours massifs de réfugiés, instabilité frontalière, résurgence du trafic de drogue) et un coût humanitaire immense. Les Nations Unies appellent à un engagement plus ferme de la communauté internationale, mais celle-ci reste largement paralysée, entre lassitude stratégique et absence de levier efficace.

Conclusion implicite : l’Afghanistan vit dans une sécurité factice

Sous l’apparente stabilité du pouvoir taliban se cache un climat d’insécurité permanent, entretenu par la violence politique, les tensions communautaires, les restrictions sociales, et la contestation armée. La paix proclamée est une paix de façade, qui repose sur la peur, le silence, et l’exclusion. Loin d’être « plus sûr que jamais », l’Afghanistan est un pays fracturé, vulnérable, et en quête désespérée d’un avenir plus juste. Face à cette impasse, l’illusion sécuritaire des Talibans pourrait bien s’effondrer au moindre choc.


 




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