EDITO 27 mars 2025
Un silence lourd de sens : les États-Unis tournent la page afghane
L’exclusion de l’Afghanistan du dernier rapport annuel sur les menaces terroristes établi par la communauté du renseignement américain constitue un virage diplomatique majeur. Après avoir placé les Talibans et leurs alliés au cœur de leurs préoccupations en matière de sécurité en 2024, Washington fait aujourd’hui le choix de les effacer du paysage des menaces globales. Une décision difficilement justifiable au vu des preuves accablantes de la présence d’Al-Qaïda et de l’État islamique au Khorasan (EI-K) sur le sol afghan.
Un jeu diplomatique trouble
Dans le même temps, la levée de la prime sur Sirajuddin Haqqani, ministre de l’Intérieur taliban et figure centrale du réseau Haqqani, révèle l’existence de tractations en coulisses entre les Talibans et l’administration américaine. À la suite de cette décision, un otage américain, George Glezmann, a été libéré, et des discussions ont été ouvertes sur la réouverture d’ambassades à Kaboul et Washington.
Par ailleurs, un échange de prisonniers se profile, impliquant l’Afghano-Américain Mahmood Habibi et Muhammad Rahim al Afghani, un ancien proche d’Oussama ben Laden détenu à Guantanamo. Les Talibans ne cachent plus leur stratégie : ils utilisent les otages comme levier diplomatique, et Washington semble prêt à faire des concessions.
Un Afghanistan toujours au cœur du djihadisme mondial
Ce repositionnement américain s’inscrit dans un contexte où les Talibans, loin de rompre avec le terrorisme, continuent d’héberger et de collaborer avec de multiples groupes jihadistes. Des rapports récents du Conseil de sécurité de l’ONU signalent une activité persistante d’Al-Qaïda dans plusieurs provinces afghanes, sous la protection des Talibans.
L’EI-K, de son côté, est identifié par Washington comme une menace en expansion, notamment en Asie centrale et au-delà. Pourtant, l’Afghanistan est étonnamment absent du dernier rapport américain sur les menaces mondiales. Un silence qui interroge sur les objectifs réels de Washington dans la région.
Une politique d’équilibre instable
Cette évolution laisse entrevoir une stratégie pragmatique : Washington semble parier sur une évolution progressive des Talibans vers un pouvoir plus modéré, tout en essayant de limiter l’influence de la Chine, qui multiplie les investissements miniers en Afghanistan. Mais cette approche comporte des risques majeurs : en légitimant indirectement les Talibans, les États-Unis risquent de renforcer un régime qui continue de bafouer les droits humains et d’abriter des terroristes.
Le recul américain face à la réalité jihadiste afghane ne trompe pas les observateurs avertis. La diplomatie des otages adoptée par les Talibans se révèle payante, et l’absence d’une politique claire vis-à-vis de Kaboul pourrait, à terme, favoriser un renforcement des groupes extrémistes dans la région et au-delà.
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