“Dieu a créé les pauvres” : la réponse talibane à une nation affamée

Afghanistan affamé : 70 % de chômage, la misère engloutit le pays
Par la rédaction – 5 mai 2025
Dans l’Afghanistan des talibans, la pauvreté n’est plus un risque : c’est une réalité omniprésente. Selon les derniers chiffres du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 69 % de la population est aujourd’hui sans emploi ni revenu, et plus de 97 % des Afghans vivent sous le seuil de pauvreté. Pour une majorité de citoyens, la situation est devenue si grave que mendier dans les rues n’est plus marginal mais normalisé. Des familles entières survivent à peine, peinant à se nourrir une fois par jour.
Cette misère est aggravée par l’exclusion quasi totale des femmes du marché du travail. Toujours selon le PNUD, seulement 7 % d’entre elles ont travaillé hors de chez elles au cours de l’année 2024. Une perte colossale de force productive, estimée à près de 920 millions de dollars pour l’économie afghane d’ici 2026. La politique d’exclusion systématique des femmes imposée par le régime taliban, combinée à l’effondrement des structures économiques, a poussé le pays vers un appauvrissement structurel inédit.
Pour les citoyens, le discours des talibans sur l’emploi sonne creux. Non seulement le gouvernement islamique n’a pas créé d’emplois, mais sa réduction drastique des administrations héritées de l’ancien régime a plongé des milliers de travailleurs dans le chômage. Le favoritisme, la loyauté idéologique exigée et la nomination exclusive de proches du pouvoir taliban ont exclu de fait toute une frange de la population.
Sarshaar, une femme diplômée en droit et science politique, raconte avoir été licenciée d’une ONG l’année dernière. Depuis, elle et son mari n’ont trouvé aucun emploi. « Nous avons vendu tous nos biens. Nous ne pouvons même plus payer notre loyer. Trois enfants à nourrir, et plus rien. Le népotisme règne partout », confie-t-elle. Son témoignage est loin d’être isolé. Farnoush, ancienne employée d’un ministère avant la prise du pouvoir par les talibans, dit n’avoir cessé de chercher un emploi depuis trois ans, sans succès. « Tout le monde souffre, et Kaboul est devenue une ville de mendiants », déplore-t-elle.
Le chômage frappe aussi de plein fouet la jeunesse. Dans les zones urbaines, plus de 30 % des jeunes sont sans emploi, d’après l’Organisation internationale du travail. Le phénomène touche également les enfants : le travail des mineurs a explosé, notamment dans le secteur informel, les décharges ou les ateliers clandestins. En 2024, environ 15 % des garçons étaient déjà engagés dans une activité économique – deux fois plus que les filles, tenues à l’écart de l’espace public.
À cette catastrophe économique s’ajoute celle du retour forcé de centaines de milliers de migrants d’Iran et du Pakistan, venus grossir les rangs de ceux sans emploi, sans toit, et sans perspective. Le marché du travail, déjà exsangue, n’a pas pu les absorber, accentuant encore la précarité.
Le contraste est d’autant plus cruel que le chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, a déclaré dans son discours de l’Aïd al-Fitr que la pauvreté était une « volonté divine ». Selon lui, Dieu « a créé les pauvres parce qu’il sait qu’ils sont patients ». Il a appelé les plus démunis à ne pas se plaindre de leur sort. Des mots qui, loin d’apaiser, ont ravivé la colère silencieuse d’une population laissée à l’abandon.
Trois ans après le retour au pouvoir des talibans, l’Afghanistan ne montre aucun signe de reprise économique. Le pays survit dans une économie informelle, sans investissements étrangers, sans soutien bancaire, et sans avenir pour sa jeunesse. Le rêve d’un redressement islamique s’est mué en cauchemar de misère.
Comments are closed