États-Unis : entre menace d’expulsion et sursaut judiciaire, les réfugiés afghans à la croisée des chemins

États-Unis : entre menace d’expulsion et sursaut judiciaire, les réfugiés afghans à la croisée des chemins

Parmi les centaines de milliers d’Afghans ayant fui les Talibans pour chercher refuge aux États-Unis, un sentiment d’angoisse diffuse et d’insécurité juridique se propage. Le rêve américain se mue pour beaucoup en cauchemar administratif. Sous l’administration Trump, les protections accordées aux réfugiés afghans s’effritent une à une, fragilisant les existences reconstruites au prix de longues errances et de traumatismes profonds. Et pourtant, une décision récente de la Cour suprême vient d’ouvrir une brèche d’espoir.

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Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.Sayedyaqoob Qattali a servi comme commandant de la sécurité au sein du ministère afghan de l’Intérieur dans la province d’Herat, en Afghanistan, avant que le gouvernement afghan ne tombe aux mains des talibans en août 2021. Sayedyaqoob Qattali

L’exil comme seul choix

Sayedyaqoob Qattali sait ce que fuir veut dire. Ancien commandant de la sécurité au ministère de l’Intérieur en Afghanistan, il a collaboré avec les forces américaines durant des années. Lorsque Kaboul est tombée en août 2021, il a attendu une aide qui ne viendrait jamais. Abandonné par ceux qu’il avait servis, il a traversé l’Iran, demandé l’asile au Brésil, puis a cheminé, à pied souvent, avec sa famille à travers l’Amérique latine – du Pérou à l’Équateur, de la Colombie au Mexique.

À l’issue de ce périple, ils ont finalement pu entrer légalement aux États-Unis fin 2023 grâce à une autorisation humanitaire obtenue via l’application CBP One. À Houston, il retrouve un semblant de stabilité : un emploi, un logement, une école pour ses enfants. Mais la tranquillité est de courte durée. En avril 2025, il reçoit un courriel glaçant : il a sept jours pour quitter le pays, sous peine de pénalités quotidiennes de 900 dollars.

Son avocat l’assure : sa demande d’asile en cours devrait le protéger. Mais Qattali sait qu’au pays, les Talibans ne pardonneront pas. « Si je retourne, c’est sûr à 100 % : ils me tueront, et ma famille avec », confie-t-il.

Quand même la carte verte ne suffit plus

Le sentiment d’insécurité ne touche pas seulement ceux qui sont en attente d’un statut. Muhammad Amiri, ancien élève pilote de l’armée de l’air afghane, est désormais résident permanent. Il travaille à Houston comme superviseur de la sécurité au Museum of Fine Arts, suit des cours d’informatique et s’apprête à se marier. Pourtant, lui non plus ne se sent pas à l’abri. Il n’ose pas quitter le territoire pour rejoindre sa fiancée restée en Afghanistan : et s’il n’était pas autorisé à revenir ?

Dans un climat politique devenu délétère, les avocats spécialisés en immigration conseillent désormais à leurs clients de ne rien dire, de ne pas protester, de rester invisibles. « Ne postez rien de critique contre l’administration. N’allez pas manifester. Toute expression peut être utilisée contre vous pour révoquer votre statut », alerte Me Ali Zakaria, avocat à Houston.

Fin de la protection temporaire : un couperet imminent

Depuis septembre 2023, les Afghans peuvent bénéficier du statut de protection temporaire (TPS), leur permettant de vivre et travailler légalement aux États-Unis. Mais cette bouée de sauvetage expire le 20 mai 2025, et la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, a annoncé qu’elle ne serait pas renouvelée.

Elle justifie cette décision par une supposée « amélioration de la situation sécuritaire en Afghanistan » – un argument contredit par son propre gouvernement : le site du Département d’État classe toujours le pays en niveau d’alerte maximal (« Ne pas voyager »), évoquant conflits armés, enlèvements, attentats et exécutions sommaires.

La suppression du programme Enduring Welcome, destiné aux anciens alliés afghans des forces américaines, a enfoncé le clou. Pour le représentant républicain Michael McCaul, cette politique est un reniement moral : « Les Talibans considèrent toute personne ayant collaboré avec les États-Unis comme un ennemi. Ils les pourchassent, les exécutent. En abandonnant nos alliés, nous trahissons nos valeurs et compromettons notre crédibilité internationale. »

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Un sursaut judiciaire : la Cour suprême impose la reprise des dossiers afghans

C’est dans ce contexte alarmant qu’une décision majeure de la Cour suprême des États-Unis, tombée le 7 mai, vient raviver l’espoir. Les juges ont ordonné à l’administration Trump de reprendre dès le 12 mai 2025 le traitement des demandes de réfugiés afghans, suspendues arbitrairement depuis janvier.

Cette décision réactive le programme USRAP (U.S. Refugee Admissions Program) et exige la reprise des démarches à tous les niveaux : ambassades, relocalisation, contrôles médicaux, contrats d’aide aux réfugiés. Tous les cas en attente, y compris ceux dont les certificats médicaux ou sécuritaires sont expirés, doivent être réexaminés. D’ici le 19 mai, les réfugiés concernés devront être officiellement informés que leur dossier est de nouveau actif.

Shawn VanDiver, président de l’organisation Afghan Evac, salue une victoire judiciaire cruciale : « Si l’administration Trump applique cette décision, ce sera une avancée réelle pour nos alliés afghans. »

Mais le doute subsiste. La Maison-Blanche ne s’est toujours pas exprimée, et l’exécution de cette décision dépendra de la volonté politique de ceux qui, jusqu’ici, ont systématiquement entravé les mécanismes de protection.

Entre déracinement et devoir d’asile

À travers ces récits se dessine une vérité plus large : l’exil ne s’arrête pas à la frontière. Pour beaucoup d’Afghans réfugiés aux États-Unis, la paix demeure un mirage tant que leur statut reste précaire. Entre politiques de rejet et sursauts juridiques, le sort des anciens alliés de l’Amérique, ceux qui ont risqué leur vie pour elle, est désormais suspendu à une décision : respecter ou non le droit d’asile.



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