Des centaines d’Afghans évacués par l’armée américaine en 2021 croupiraient dans des camps à l’étranger

slate.fr
Nina Bailly

En 2021, alors qu’ils occupent le pays depuis vingt ans, les États-Unis retirent définitivement leurs troupes d’Afghanistan. La suite est tristement célèbre: les talibans reprennent le pouvoir lors d’une opération éclair et des centaines de milliers de civils tentent alors de fuir le pays. Dans le chaos, l’armée américaine en aide certains à s’échapper.

Mais selon les révélations du quotidien anglais The Guardian, des documents suggèrent que des centaines d’entre eux sont aujourd’hui bloqués dans des pays de transit et pour certains, incarcérés et sans perspectives d’avenir. Des défenseurs des droits affirment qu’ils sont des centaines à attendre dans plus d’une trentaine de pays différents.

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Une série de documents gouvernementaux, publiés mardi 14 janvier 2025, fournit des détails jusqu’alors inconnus sur l’implication du gouvernement américain dans les opérations menées sur ces sites et en offre un aperçu jusqu’à l’automne 2023. Ils décrivent notamment des séparations familiales, une détérioration des conditions de santé mentale, des installations inadéquates et des craintes de rapatriement forcé.

Les documents ont été obtenus par les ONG Center for Constitutional Rights, Abolitionist Law Center et Muslim Advocates, à la suite d’un litige avec les départements américains de la Défense, de l’État et de la Sécurité intérieure. Dans un guide, ces organisations expliquent que les informations qu’ils ont obtenues indiquent que des Afghans évacués, dont les demandes d’entrée aux États-Unis étaient en attente, ont été «détenus, retenus ou autrement contraints de rester dans l’incertitude» dans au moins trente-six pays.

Des appels à l’aide restés sans réponse

Sadaf Doost, avocate et responsable du programme des droits humains à l’Abolitionist Law Center, expose: «D’autres documents que nous avons obtenus révèlent des lettres d’appels inlassables adressées par les ressortissants afghans aux responsables du gouvernement américain –détaillant le manque d’accès aux ambassades américaines, aux avocats et aux organisations humanitaires et de défense des droits des immigrés, jusqu’aux conditions intenables et au traumatisme collectif que la communauté continue de subir.»

Les documents ne précisent pas combien des trente-six pays hébergent les évacués dans des centres de détention, mais les défenseurs des droits humains affirment connaître cinq centres dans quatre pays: les Émirats arabes unis, le Qatar, le Kosovo et l’Allemagne. En avril 2023, les registres montrent que 2.834 Afghans dont les demandes d’asile aux États-Unis étaient en attente se trouvaient au Qatar, 1.256 aux Émirats arabes unis, 259 au Kosovo et des dizaines dans d’autres pays.

Les départements américains de la Défense et de la Sécurité intérieure n’ont pas répondu aux demandes de commentaires. Un porte-parole du département d’État a cependant écrit dans une déclaration au Guardian que les efforts du gouvernement américain pour réinstaller les Afghans éligibles se poursuivent depuis 2021. Pendant que les autorités traitent leurs dossiers, les demandeurs seraient «autorisés à être présents sur des plateformes de pays tiers avec l’autorisation du pays hôte», a déclaré le porte-parole, les États-Unis prenant en charge les frais. Il a ajouté que les États-Unis ont délivré plus de 33.000 visas d’immigrants spéciaux pour les Afghans au cours de l’exercice 2024.

Une autre demande d’accès aux documents publics publiée en 2023 par l’American Immigration Council montre que de janvier 2020 à avril 2022, seulement 114 des 44.785 demandes de libération conditionnelle humanitaire –qui permet aux personnes en situation d’urgence d’entrer aux États-Unis alors qu’elles n’y sont pas autrement éligibles–, soit moins de 0,3%, ont été approuvées. Les autorités traitent aussi actuellement plus de 20.000 demandes de visas d’immigrants spéciaux déposées par des Afghans qui ont travaillé pour le gouvernement américain, et en ont rejeté environ 40%, a rapporté Reuters le 8 janvier 2025.

Les responsables américains ont nié par le passé être présents dans les sites où des Afghans sont détenus à l’étranger, mais les documents montrent qu’ils ont participé à la création d’au moins certains d’entre eux: ils comprennent des accords entre les États-Unis et cinq pays –le Qatar, Oman, le Koweït, l’Italie et l’Allemagne– détaillant les conditions de ce que les États-Unis ont appelé à l’époque la relocalisation «temporaire» de citoyens afghans vers ces sites.



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