L’Afghanistan des Talibans devant la justice internationale

ÉDITORIAL – 9 juillet 2025

Situation en Afghanistan : La Chambre préliminaire II de la CPI émet des mandats d’arrêt contre Haibatullah Akhundzada et Abdul Hakim Haqqani

Rapport Rawadari
Original en anglais
Traduction en français

Le 8 juillet 2025, la Cour pénale internationale (CPI) a émis deux mandats d’arrêt d’une portée historique : Haibatullah Akhundzada, chef suprême des Talibans, et Abdul Hakim Haqqani, leur juge en chef, sont poursuivis pour crimes contre l’humanité de persécution sur la base du genre et de la politique, en vertu de l’article 7(1)(h) du Statut de Rome.

Une persécution systémique, institutionnelle, délibérée

La CPI reconnaît que les Talibans ont mis en œuvre, depuis août 2021, une politique étatique de ségrégation et d’oppression ciblée contre :

  • les femmes et les filles,
  • les personnes LGBTQ+ ou non conformes à l’idéologie de genre talibane,
  • et toute personne identifiée comme alliée de ces groupes ou en opposition, même passive, au régime.

Cette persécution passe par des décrets, des exclusions, l’effacement social, l’incarcération, la torture, et l’invisibilisation. Elle constitue une attaque systématique contre une partie de la population civile, et donc un crime contre l’humanité.

Le rapport Rawadari : le chaînon manquant

Quelques semaines avant cette annonce, l’organisation Rawadari publiait un rapport accablant sur l’état des prisons afghanes. Son contenu recoupe et renforce les accusations portées par la CPI. Sur 34 détenus interrogés dans 16 provinces :

  • 33 ont été arrêtés sans mandat ni procédure judiciaire.
  • Tous ont été victimes de torture physique ou psychologique.
  • Les femmes ont subi harcèlement sexuel, humiliations et privation de soins.
  • Certains témoignages évoquent des actes de torture à des fins de divertissement.

Ces exactions sont attribuées aux trois organes répressifs talibans : le ministère de la Défense, la police (MoI), et surtout le GDI (services de renseignement).

Le rapport démontre que la torture est un instrument de gouvernance, utilisé pour punir les opposants, intimider la population, et asseoir une domination fondée sur la terreur.

La convergence des faits

Les deux documents — judiciaire et factuel — dressent un tableau cohérent : les Talibans n’exercent pas seulement une autorité répressive, ils mettent en œuvre un projet totalitaire fondé sur l’effacement du droit, la répression du corps, la persécution du genre, et la criminalisation de toute dissidence.

Ce système n’est pas une dérive ; il est la politique d’État du régime taliban.

Et maintenant ?

  • Les États signataires du Statut de Rome ont désormais le devoir d’arrêter les deux inculpés s’ils en ont l’occasion.
  • Toute relation diplomatique, commerciale ou institutionnelle avec les Talibans devient juridiquement problématique et politiquement indéfendable.
  • La Russie, qui vient de reconnaître officiellement le régime, se place de fait en contradiction avec les principes du droit international.
  • Les ONG, diasporas et résistances afghanes doivent s’appuyer sur ces deux documents pour exiger des mécanismes de justice transnationale, d’aide aux victimes, et de documentation de masse.

Une avancée pour les victimes, un avertissement pour les bourreaux

C’est la première fois depuis 2021 qu’un organisme international nomme, accuse et rend visibles les responsables du régime taliban. Cette avancée est capitale : elle rompt le silence, crédibilise les témoignages, et inscrit la lutte contre les Talibans dans le droit international.

Il faut désormais que les démocraties cessent de prétendre qu’il serait “pragmatique” de discuter avec ceux que la justice internationale considère comme criminels contre l’humanité.

Documents à consulter :
Rapport Rawadari – Juin 2025



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