La Lettre d’Afghanistan 14 août 2025
numéro 34


Les talibans et l’EI-K sont responsables d’assassinats ciblés, selon le département d’État américain

NDR : À la lecture du rapport du Département d’État américain (lien sur l’image), on constate que les accusations portées contre les talibans sont encore plus nombreuses et les faits bien plus graves que ceux relevés dans les rapports de l’ONU. Difficile alors de ne pas s’interroger : si les États-Unis disposent d’informations aussi précises sur la situation en Afghanistan, comment peuvent-ils ignorer le danger terroriste qui s’y prépare, après avoir honteusement abandonné le peuple afghan ?

Rien que l’expression « droits de l’homme » dans la bouche des États-Unis sonne comme une mauvaise plaisanterie, tant ils ont trahi ceux qu’ils étaient censés protéger. De Kaboul aux montagnes du Panjshir, leur abandon a laissé le champ libre aux bourreaux — et aujourd’hui, ils feignent de découvrir le monstre terroriste qu’ils ont eux-mêmes nourri. À moins quelque clause secrète de l’accord de Doha ne contienne des éléments exonérant les talibans de leurs crimes et leur laissant carte blanche pour orienter cette menace terroriste vers d’autres pays…?

Et que dire de la date de parution de ce rapport ?? A la ville de leur retraite honteuse d’Afghanistan ?

Le rapport 2024 du Département d’État américain dénonce des violations massives des droits humains par les talibans : restrictions sévères contre les femmes, atteintes à la liberté de la presse, détentions arbitraires, exécutions extrajudiciaires et usage généralisé de la torture et des châtiments corporels. Les talibans recrutent aussi des enfants, répriment les journalistes et les militantes, et entravent l’action humanitaire. Dans plusieurs provinces, ils ont ciblé d’anciens militaires et fonctionnaires, sans reconnaître leur responsabilité. Washington conclut à l’absence totale d’engagement des talibans envers le droit international et appelle à une mobilisation internationale pour protéger la population afghane, en particulier les femmes et les enfants.

LIRE LE RAPPORT


Afghanistan : la machine à broyer les droits humains tourne à plein régime

Le dernier rapport de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (avril-juin 2025) confirme ce que beaucoup pressentaient : loin de s’atténuer, la répression s’intensifie et s’institutionnalise. Chaque paragraphe résonne comme une sentence : les droits fondamentaux s’effondrent, l’espace de liberté se rétrécit, la peur s’installe en régime permanent.

Femmes et filles : une vie sous étau
Le régime taliban poursuit méthodiquement l’effacement des femmes. L’école leur est fermée dès la fin du primaire, l’université n’existe plus pour elles, et l’examen d’entrée national se déroule sans même mentionner leur participation. Dans certaines provinces, le chador ou la burqa ne sont plus seulement une option imposée : ne pas les porter entraîne l’exclusion des marchés, des transports ou même des soins. La règle du mahram (accompagnateur masculin) devient un outil de ségrégation quotidienne, interdisant aux femmes de voyager ou de travailler librement. Même les parcs et jardins publics sont désormais interdits aux familles si elles comptent des femmes dans leurs rangs.

Travail et autonomie : portes closes
Les salons de beauté clandestins sont traqués, les travailleuses de la santé contraintes de se présenter accompagnées d’un mahram muni d’une carte officielle. Les femmes employées par l’ONU reçoivent des menaces de mort, poussant les agences à prendre des mesures d’urgence pour les protéger. L’objectif est clair : pousser les Afghanes hors de tout espace public et professionnel.

Répression et peur : un État de la terreur
Les arrestations arbitraires de membres de l’ancien gouvernement et des forces de sécurité se poursuivent, malgré l’amnistie proclamée. Des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires sont documentés. Les minorités ethniques ne sont pas épargnées : à Faryab, près d’une centaine d’Ouzbeks ont été arrêtés après des tensions communautaires. La répression des protestations, notamment contre la destruction des cultures de pavot en Badakhshan, atteint un niveau de violence inouï : tirs à balles réelles, morts parmi les manifestants… et même lors de leurs funérailles.

Sept anciens membres de l’ANDSF en Afghanistan tués en trois mois

La parole muselée, l’information étranglée
Les médias indépendants se meurent, étranglés par les restrictions et la pauvreté. Les images, les débats politiques et même la poésie sont soumis au contrôle idéologique. Les réseaux sociaux sont surveillés, les utilisateurs arrêtés pour des publications jugées “inappropriées”. La culture est passée au filtre d’une morale imposée, où toute expression divergente est assimilée à une attaque contre l’islam.

Une justice de façade, des châtiments spectaculaires
Les exécutions publiques se multiplient, parfois mises en scène dans des stades bondés. Les flagellations hebdomadaires sont devenues une routine, frappant hommes, femmes et mineurs. La justice est exclusivement masculine : les femmes avocates sont interdites d’exercice. Tout se décide dans le huis clos d’une interprétation radicale de la charia.

Les rapatriés, proies faciles
Le rapport alerte sur le sort des Afghans renvoyés de force dans le pays : anciens fonctionnaires, soldats, défenseurs des droits, journalistes… Beaucoup subissent arrestations, violences, menaces de mort. Le message aux États étrangers est explicite : rapatrier aujourd’hui, c’est mettre des vies en danger.

Un système verrouillé
Ce n’est plus seulement la somme de violations isolées, mais un système entier qui s’érige : un État policier religieux où les femmes sont reléguées à l’invisibilité, où les minorités sont vulnérables, où la justice est un instrument de domination, et où l’information est étouffée. L’Afghanistan se ferme, muré derrière des lois faites pour contrôler, punir et réduire au silence.

Alerte Genre – Le retour forcé des Afghanes d’Iran et du Pakistan

En juin 2025, le groupe de travail GiHA a publié une alerte glaçante sur la situation des Afghans expulsés massivement d’Iran et du Pakistan. Entre septembre 2023 et avril 2025, plus de 2,43 millions de personnes ont été renvoyées en Afghanistan, dont près de la moitié de force. Les femmes et les filles représentent 48 % des rapatriés, et les enfants plus de la moitié.
L’étude, fondée sur des discussions dans les provinces d’Herat, Kandahar et Nangarhar, met en évidence trois besoins urgents : un logement sûr, des moyens de subsistance et l’accès à l’éducation pour les filles. Les obstacles sont immenses : absence de papiers, risques d’expulsion, interdiction de travailler, violences sexistes aux frontières, mariages précoces ou forcés. La santé physique et mentale est gravement affectée, tandis que les travailleuses humanitaires peinent elles-mêmes à rejoindre les zones frontalières en raison des restrictions imposées aux femmes.
Ce rapport rappelle que derrière les chiffres, ce sont des milliers de vies brisées par l’exil, le déracinement et les politiques discriminatoires des Taliban, dans un silence international inquiétant.

  • Contexte et ampleur des retours : Entre septembre 2023 et avril 2025, plus de 2,43 millions de migrants afghans sans papiers sont revenus d’Iran et du Pakistan, dont 52 % expulsés de force. Les flux se sont intensifiés en 2025, notamment avec des campagnes de retour forcé menées par les deux pays.

  • Profil des rapatriés : 48 % sont des femmes et filles ; 54 % sont des enfants. Les ménages dirigés par des femmes représentent une proportion importante, surtout parmi les retours du Pakistan.

  • Besoins prioritaires exprimés par les femmes : logement sûr, moyens de subsistance, éducation pour leurs filles. Beaucoup ont perdu leurs moyens de revenu et rencontrent des obstacles à l’emploi (interdictions, absence de réseaux, restrictions des Taliban).

  • Vulnérabilités accrues : manque d’abris stables, risques d’expulsion, difficultés à payer un loyer, absence de documents d’identité (tazkira), exposition à la violence basée sur le genre (y compris harcèlement et extorsion aux frontières), mariages forcés ou précoces.

  • Barrières à l’accès aux services : restrictions de mobilité pour les femmes sans mahram, manque d’information, dépendance vis-à-vis d’hommes de la famille pour obtenir de l’aide.

  • Santé physique et mentale : besoins urgents en santé reproductive, soutien psychosocial et espaces sûrs. Les témoignages révèlent un taux élevé de stress, d’anxiété et d’idées suicidaires.

  • Travailleuses humanitaires : elles font face à des restrictions similaires (mobilité sans mahram, manque de transport), ce qui limite leur capacité à assister les rapatriées.

Lire et télécharger le rapport


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