Expansion des écoles religieuses dirigées par les Talibans en Afghanistan : Impact et Enjeux
Expansion des écoles religieuses dirigées par les Talibans en Afghanistan : Impact et Enjeux
Stratégie éducative des Talibans : expansion rapide des écoles islamiques
Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les Talibans ont lancé une refonte agressive du système éducatif afghan, privilégiant l’enseignement religieux au détriment de l’enseignement laïc. Rien que l’année dernière, le ministère taliban de l’Éducation affirme avoir créé 21 257 nouveaux centres d’éducation islamique à travers le pays.
Selon le magazine Irfan, une publication gérée par le régime taliban, voici la répartition des établissements islamiques actifs en Afghanistan en mars 2024 :
• 19 669 madrasas (écoles religieuses islamiques)
• 1 277 Dar al-Hifaz (centres de mémorisation du Coran)
• 115 Dar al-Uloom (séminaires islamiques)
• 39 Dar al-Iytam (orphelinats)
Ces chiffres révèlent une volonté manifeste d’instaurer un système éducatif totalement dominé par l’idéologie religieuse. Cela représente presque une multiplication par quatre du nombre de madrasas par rapport à l’époque pré-talibane (environ 5 000 en 2021). Selon les chiffres officiels, plus de 3,6 millions d’élèves sont désormais inscrits dans les programmes de madrasa – un chiffre qui dépasse désormais l’effectif combiné des écoles publiques et privées du pays.
Cela représente presque une multiplication par quatre du nombre de madrasas par rapport à l’époque pré-talibane (environ 5 000 en 2021). Selon les chiffres officiels, plus de 3,6 millions d’élèves sont désormais inscrits dans les programmes de madrasa – un chiffre qui dépasse désormais l’effectif combiné des écoles publiques et privées du pays.
Pour faire fonctionner ce vaste réseau, les Talibans ont alloué 87 592 postes exclusivement à l’éducation islamique. Parallèlement, ils ont commencé à délivrer des certificats d’équivalence à des diplômés de madrasas : 21 300 étudiants ont ainsi obtenu des diplômes reconnus comme équivalents à ceux du secondaire, de la licence ou du master, leur permettant d’exercer dans les écoles ou les administrations religieuses.
Les responsables talibans présentent cette expansion comme une volonté de “réformer” l’éducation selon les principes islamiques. En réalité, cela s’est traduit par l’épuration des matières laïques dans les écoles, remplacées par des études islamiques. Même les établissements publics, qui enseignaient auparavant les sciences, l’histoire ou les langues, sont sommés de céder la place à l’idéologie talibane.
Selon certains analystes, “les Talibans ont déclaré la guerre à la science et à la connaissance”, démantelant le système éducatif moderne au profit d’un modèle fondé sur la mémorisation du Coran et la jurisprudence religieuse. Cette politique vise clairement à former une nouvelle génération d’élèves endoctrinés dans l’idéologie talibane, dans un contexte où la pensée critique et l’autonomie intellectuelle sont réprimées.
Privation des filles et restriction des savoirs : impact sur la société afghane
Le cœur de cette stratégie éducative réside dans l’exclusion quasi totale des filles et des femmes. L’Afghanistan est actuellement le seul pays au monde où les filles ne peuvent pas aller au collège ou au lycée. Depuis 2021, environ 1,5 million de filles sont exclues des classes à partir de la 7e année, et les femmes n’ont plus accès aux universités.
Certaines, désespérées, se tournent vers les madrasas. Mais là encore, elles se heurtent à une propagande sévère : “Ils nous disaient que l’éducation n’était pas pour nous, que notre rôle était d’être de bonnes épouses et de donner naissance à de futurs leaders islamiques”, témoigne une jeune femme ayant tenté d’y étudier avant d’abandonner.
Ce modèle entraîne des conséquences catastrophiques à long terme. Comme le souligne une chercheuse en développement : “Vous n’aurez plus de femmes médecins ou infirmières. La mortalité va augmenter.”
Même pour les garçons, le système actuel offre peu d’éducation utile dans une économie moderne. Les matières scientifiques et les compétences professionnelles sont abandonnées au profit de textes religieux. Les diplômés des madrasas, souvent issus de milieux défavorisés, n’ont souvent aucune perspective d’emploi hors du monde religieux.
Ce modèle creuse la pauvreté, isole l’Afghanistan du reste du monde et prive les jeunes générations des compétences nécessaires à la reconstruction du pays.
Avertissements d’experts : extrémisme et conséquences mondiales
Plusieurs spécialistes tirent la sonnette d’alarme sur les implications internationales de cette politique. Le professeur William Maley, dans un article pour l’Institut australien des affaires internationales, compare la stratégie éducative des Talibans à un “programme d’incubation pour l’extrémisme”.
“Les groupes terroristes ne naissent pas de nulle part. Ils émergent souvent d’un processus long de socialisation. Et ce processus se déroule aujourd’hui en Afghanistan.” – William Maley
Cette situation rappelle l’origine du mouvement taliban dans les années 1990 : d’anciens élèves de madrasas pakistanaises ayant rejoint les rangs du djihad. Aujourd’hui, le danger est qu’un réseau d’extrémistes, formés dès le plus jeune âge dans ces écoles, vienne alimenter les futures crises sécuritaires régionales ou mondiales.
Une militante afghane, interrogée dans Zan Times, résume l’enjeu avec une métaphore frappante :
“L’idéologie des Talibans est comme le Covid-19 : elle ne peut pas être confinée à l’intérieur de l’Afghanistan. Le monde doit agir, pas seulement pour les Afghans, mais pour sa propre sécurité.”
Des signes de répercussions régionales sont déjà visibles : une recrudescence d’attentats au Pakistan, des craintes dans les pays d’Asie centrale, et une inquiétude grandissante en Chine concernant la radicalisation dans le Xinjiang.
Idéologie et pouvoir : motivations et risques à long terme
Pourquoi les Talibans misent-ils autant sur l’enseignement religieux ? Leur motivation est à la fois idéologique et politique.
D’un point de vue religieux, ils estiment que l’éducation laïque est un poison occidental, contraire à leur interprétation de l’islam. Le but est donc de créer un système entièrement islamisé, où l’éducation sert à consolider le pouvoir religieux.
D’un point de vue politique, les madrasas permettent de remplacer les élites d’hier (enseignants, fonctionnaires formés par l’État républicain) par des fidèles du régime. En formant une nouvelle génération à leur idéologie, les Talibans assurent leur domination à long terme.
Le risque ? Un pays enfermé dans l’ignorance, l’extrémisme, et la pauvreté chronique. L’absence d’enseignement scientifique, l’exclusion des femmes, et la perte de talents pousseront les jeunes les plus prometteurs à fuir l’Afghanistan. Ceux qui restent seront vulnérables à la propagande et, pour certains, à la radicalisation.
Comme l’a dit un analyste :
“Le système éducatif actuel ne prépare pas à un avenir prospère. Il prépare une crise.”
Conclusion : Un avenir en jeu
L’expansion des madrasas et la destruction de l’enseignement moderne en Afghanistan représentent une menace à la fois humanitaire, éducative et sécuritaire. Les Talibans ne se contentent pas de gouverner par la peur : ils gouvernent aussi par l’endoctrinement.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 21 000 écoles religieuses créées en deux ans, des millions d’enfants exposés à une éducation sans sciences, sans esprit critique, et sans avenir professionnel réel. Et des filles, exclues de tout cela, condamnées au silence.
Ce qui se joue aujourd’hui dans les salles de classe afghanes, c’est le destin d’une génération – et potentiellement, la sécurité du monde entier.
Sources :
- Zahra Nader, Zan Times, mars 2024
- Salam Watandar News – « Over 3.6 million Afghans engaged in Islamic education, reports MoE »
- William Maley, Australian Institute of International Affairs – « Taliban Madrasas: A Time-Bomb in the Making »
- The Guardian – Afghan activist warns of Taliban ideology
- VOA News – « Religious education surges under Taliban as secular schooling languishes »
- RFE/RL – Taliban converting public schools into madrasas
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