Ahmad Massoud : Discours prononcé à la Harvard University Global Center for Learning and the Pursuit of Truth
Transcription et traduction du discours d’Ahmad Massoud :
10 mai 2025, 16h42 — Discours prononcé à la Harvard University Global Center for Learning and the Pursuit of Truth
Mesdames et Messieurs, chers universitaires, étudiants, et organisateurs de cette importante conférence,
C’est un grand honneur pour moi de me tenir devant vous aujourd’hui à la Harvard University Global Center for Learning and the Pursuit of Truth pour parler de la tragédie — malheureusement — et de l’avenir de ma patrie, l’Afghanistan. Permettez-moi de commencer en remerciant sincèrement l’Université Harvard et les organisateurs de cette conférence pour le temps et l’attention que vous consacrez à l’Afghanistan, en particulier en ce moment critique. Merci infiniment.
Dans le monde interconnecté qui est le nôtre aujourd’hui, aucune crise n’est isolée. Ce qui se passe dans un coin du monde a nécessairement des répercussions sur l’autre, et nous touche tous. Je vous parle à une époque où les femmes d’Afghanistan ont été totalement effacées de la vie publique, hélas.
Les écoles et les universités restent fermées pour toutes les femmes du pays. Au lieu d’une éducation moderne, des idéologies extrémistes se répandent à travers les madrasas jihadistes, menaçant non seulement notre société afghane, mais aussi la sécurité régionale et mondiale, aujourd’hui comme demain.
Permettez-moi de partager brièvement trois points de préoccupation majeurs.
1. Une crise multidimensionnelle
L’Afghanistan traverse une crise profonde : politique, sécuritaire, économique et sociale. Toutes ces dimensions trouvent leur source dans les talibans, dans leur régime actuel, mais aussi dans les vingt dernières années. Nous avons perdu une occasion en or de reconstruire notre pays. Toutes nos ressources, l’attention du gouvernement, les investissements internationaux ont été détournés pour mener la guerre contre les talibans, qui eux-mêmes ont mené la guerre contre notre peuple et notre État. Aujourd’hui, ce groupe extrémiste gouverne par la force et par la peur.
Les talibans ne sont pas un mouvement politique réformateur. Non. Ils sont un groupe terroriste, porteur d’un passé sinistre. Depuis le retrait des forces américaines et la chute de la République en 2021, ils ont transformé l’Afghanistan en refuge du terrorisme international. Un havre d’extrémisme violent, une prison à ciel ouvert pour notre peuple.
Dans ce moment sombre, le Front National de Résistance (NRF) s’est levé pour défendre les Afghans. Nous sommes attachés aux droits humains universels et à la construction d’un Afghanistan démocratique et pluraliste, où chaque citoyen, quel que soit son genre, son origine ou sa foi, aura les mêmes droits.
2. L’expansion du terrorisme
Depuis le retour au pouvoir des talibans, l’Afghanistan est devenu une base opérationnelle pour plus de 21 groupes terroristes, dont Al-Qaïda, l’État Islamique au Khorasan (ISKP), le TTP et d’autres. Ce n’est pas seulement un sanctuaire : c’est un centre actif de planification d’attentats. Les récentes attaques au Pakistan en témoignent — elles ont augmenté de 300 % depuis la chute de Kaboul.
Al-Qaïda aujourd’hui est bien plus puissant qu’en 2001. À l’époque, les attaques du 11 septembre avaient été organisées dans la clandestinité. Aujourd’hui, ils disposent d’un territoire grand comme la France.
Le Front National de Résistance est malheureusement le seul acteur sur le terrain à combattre le terrorisme, sans aucun soutien extérieur. Nous menons ce combat par devoir envers notre peuple et envers la sécurité mondiale, parce que nous croyons en nos valeurs, pas parce qu’un État nous l’a demandé.
Il ne s’agit pas d’un problème local. Des centaines d’écoles radicales forment une nouvelle génération d’extrémistes. Le monde ne peut pas ignorer ce danger croissant.
3. Le danger de l’apaisement
Chercher à apaiser les talibans est une grave erreur de calcul. Cela nie la volonté du peuple afghan qui aspire à un avenir libéré du terrorisme et de l’injustice.
Depuis quatre ans, le monde a tenté une politique d’apaisement. Regardez où cela nous a menés. Regardez l’état de l’Afghanistan aujourd’hui. Cette stratégie est un échec manifeste. Elle doit cesser immédiatement.
Les talibans ne représentent pas notre peuple. Ils sont ses oppresseurs. Ils ont perpétré des violations massives des droits humains, réprimé les femmes, mené des campagnes de purification ethnique dans plusieurs régions.
L’Afghanistan est un pays composé uniquement de minorités ethniques. Aucune communauté n’y est majoritaire. Seul un système démocratique, pluraliste, fondé sur la citoyenneté peut refléter la volonté populaire.
Nous ne sommes plus au Moyen Âge. Nous vivons au XXIe siècle. Aucun décret religieux, émanant d’un mollah que personne ne connaît ni ne voit, ne peut gouverner 40 millions d’Afghans. Seule la primauté du droit, une constitution et un gouvernement démocratique sont acceptables.
Dialogue, résistance et alternative politique
Au sein du Front National de Résistance, nous avons toujours privilégié le dialogue et la paix. Mais les talibans ont refusé toute solution politique. Ils ont choisi la guerre, hier comme aujourd’hui.
Notre lutte est une lutte pour la survie, pour un avenir où la liberté, la dignité et la justice ne seront pas de simples mots, mais une réalité.
Nous construisons également une alternative politique. Un exemple : le processus de Vienne, une initiative menée par des Afghans pour poser les bases d’un futur État démocratique. Cinq cycles de ce processus ont déjà eu lieu.
Appel à la communauté internationale
Nous appelons la communauté internationale à soutenir ces efforts, à se tenir aux côtés des forces démocratiques afghanes, aux côtés du peuple afghan — et non des oppresseurs.
Le Front National de Résistance et toutes les forces anti-talibanes représentent l’espoir dans un âge d’obscurité. Nous portons la responsabilité que notre peuple a placée en nous, avec humilité et détermination.
Je lance un appel aux universitaires, aux décideurs politiques et aux penseurs américains et du monde entier : ne nous oubliez pas.
Près de 40 millions de personnes vivent aujourd’hui sous une tyrannie. Cela devrait troubler la conscience humaine.
Encore une fois, je remercie profondément Harvard University et tous ceux qui ont rendu cette conférence possible. Merci infiniment à vous tous.
Ce fut un honneur d’être ici. J’espère qu’un jour, je pourrai être physiquement parmi vous, vous rencontrer. C’est l’un de mes rêves.
Merci beaucoup.
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