Rapport sur l’intersectionnalité et les droits de l’homme : Garantir l’accès à la santé maternelle en Afghanistan

Le rapport suivant est basé sur le document « Intersectionality and Human Rights: Ensuring Access to Maternal Health in Afghanistan »1.`

Rapport sur l’intersectionnalité et les droits de l’homme : Garantir l’accès à la santé maternelle en Afghanistan

Titre : Intersectionnalité et droits de l’homme : Garantir l’accès à la santé maternelle en Afghanistan 2

Auteur : Latifa Jafari Alavi 3

Publié par : Raoul Wallenberg Institute of Human Rights and Humanitarian Law (RWI) 4

Date de publication : Mai 2025 5

ISBN : 978-91-90084-01-4 6

https://rwi.lu.se/publications/intersectionality-and-human-rights-ensuring-access-to-maternal-health-in-afghanistan/

Objectif de l’étude

L’étude vise à explorer comment les identités sociales telles que le genre, l’origine ethnique, la classe, le handicap et l’orientation sexuelle contribuent aux multiples couches de discrimination et d’inégalité auxquelles les femmes afghanes sont confrontées dans l’accès à la santé maternelle et aux soins gynécologiques7. Le rapport souligne le besoin urgent d’examiner l’état actuel de la santé maternelle en Afghanistan et les obstacles persistants auxquels les femmes sont confrontées pour accéder aux services de santé essentiels, en particulier depuis la prise de pouvoir par les Talibans en août 20218.

Fondements théoriques

La recherche s’appuie sur la théorie de l’intersectionnalité, un cadre qui aide à comprendre la nature interconnectée des problèmes sociaux tels que le colonialisme, le racisme, le sexisme et le nationalisme9. Le terme « intersectionnalité » a été inventé par Kimberlé Crenshaw en 1989, et il souligne comment la convergence de multiples formes de préjugés crée des schémas distincts de désavantage10. En outre, l’étude s’appuie sur la pensée féministe noire, qui critique le modèle additif de l’oppression et met l’accent sur l’interconnexion des systèmes de pouvoir, notamment la race, la classe et le genre11.

Méthodologie

La recherche utilise une méthodologie multifacette comprenant une recherche documentaire juridique traditionnelle et des données de première main collectées par le biais d’entretiens semi-structurés12. Un total de 31 entretiens ont été menés dans 14 provinces d’Afghanistan (Badakhshan, Bamyan, Baghlan, Daikundi, Herat, Jowzjan, Faryab, Nimroz, Kaboul, Paktika, Paktia, Nangarhar, Mazar et Sar-e-Pol)13.

Les participants étaient divisés en trois groupes14:

  • Femmes de différentes catégories sociales : Interviewées sur leurs expériences d’accès aux services de santé maternelle et aux soins gynécologiques15.
  • Professionnels de la santé maternelle : Incluant des médecins, des gynécologues, des sages-femmes, des infirmières et des nutritionnistes, interrogés sur la qualité des services et les défis16.
  • Parties prenantes nationales et internationales : Impliquées dans le secteur de la santé afghan, pour comprendre les changements dans l’accès et l’équité des soins maternels depuis août 202117.

Les entretiens ont pris en compte le statut socio-économique, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle et le handicap des participants18.

Principales conclusions

  1. Discrimination interdépendante au niveau familial et communautaire :
    • L’étude a révélé que la structure socio-économique de la famille est un facteur important influençant l’accès des femmes aux services de santé reproductive19. Les mariages forcés et infantiles, souvent liés à des facteurs socio-économiques, entraînent des problèmes gynécologiques et obstétricaux précoces20. Les normes patriarcales restreignent également l’autonomie des femmes, y compris leur accès aux soins de santé appropriés21.
    • La perception familiale négative des soins maternels formels, souvent due à des structures sociales conservatrices dominées par les hommes, constitue un obstacle22.
    • Les femmes en milieu rural, qui sont souvent la principale force de travail agricole, manquent de soutien adéquat pour les complications maternelles23.
  2. Discrimination intersectionnelle au niveau institutionnel :
    • L’accès des femmes aux services gynécologiques est entravé au niveau systémique au sein des institutions de santé24. Le système de santé afghan a été gravement affaibli par des décennies de conflit25.
    • Les restrictions des Talibans sur les droits des femmes, telles que la liberté de mouvement, l’emploi et l’éducation, ont gravement limité l’accès des femmes aux soins de santé26. La règle du « mahram » des Talibans (exigeant un tuteur masculin pour les femmes) exacerbe les normes culturelles existantes qui limitaient déjà l’autonomie des femmes27.
    • La discrimination ethnique est un facteur majeur, affectant l’accès aux services de santé maternelle, néonatale et infantile28. Les minorités ethniques et religieuses sont plus susceptibles d’être exclues des soins gynécologiques29.
    • Les personnes LGBTQ+ et les personnes handicapées sont confrontées à une discrimination importante et à une exclusion des soins maternels et obstétricaux30. L’Afghanistan a l’un des taux les plus élevés de personnes handicapées par habitant au monde, et les femmes handicapées sont de manière disproportionnée exclues de l’éducation, des soins de santé et de l’emploi31.

Recommandations

Le rapport propose des réformes complètes pour surmonter les obstacles et promouvoir un système de santé plus équitable en Afghanistan32. Les principales recommandations comprennent33:

  • Rapporteur spécial de l’ONU : Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan devrait aborder la crise sanitaire actuelle, en particulier les soins de maternité.
  • Aide humanitaire et au développement : Le financement international devrait être maintenu et augmenté pour soutenir les programmes de santé maternelle.
  • Coordination des parties prenantes : Améliorer la coordination entre les acteurs gouvernementaux, les ONG et les donateurs internationaux pour une mise en œuvre efficace des programmes.
  • Soins de santé de qualité : Établir des normes claires et des mécanismes de responsabilisation pour garantir la qualité des soins.
  • Autonomisation des femmes : Soutenir l’éducation et l’emploi des femmes dans le secteur de la santé.
  • Élargir les services de santé du secteur privé : Étendre les services de santé privés aux zones rurales.
  • Renforcement des centres de santé : Renforcer et élargir les centres de santé institutionnels à travers le pays.
  • Nomination de médecins : Affecter au moins un médecin, de préférence un gynécologue, à chaque centre de santé de base communautaire (BCHC).
  • Réseaux de téléconsultation : Établir des réseaux de téléconsultation pour les médecins et les psychologues afin de soutenir les zones où l’accès est limité.
  • Soutien psychologique : Assurer l’accès aux soins psychologiques pour les femmes pendant la grossesse et l’accouchement.
  • Examen des politiques : Les États, les organisations internationales et les donateurs devraient revoir leurs politiques pour aborder plus efficacement la nature intersectionnelle de la marginalisation dans les soins de maternité.
  • Politiques de santé inclusives : Inclure les groupes économiquement marginalisés, les minorités religieuses et ethniques, la communauté LGBTQ+, les personnes handicapées et les personnes confrontées à des barrières géographiques dans la mise en œuvre des politiques de santé.
  • Augmenter et maintenir le financement : Augmenter et maintenir le financement du système de santé afghan, en mettant l’accent sur les services de santé maternelle.
  • Développer la recherche : Mener davantage de recherches qualitatives sur la santé gynécologique des femmes, en se concentrant sur les problèmes critiques tels que le mariage forcé et infantile, l’espacement des naissances, la nutrition, l’avortement, la prise de décision reproductive et le rôle des femmes dans le travail informel.


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