Quand les Talibans asphyxient l’Afghanistan – la double peine du climat et de la dictature

- Cap sur le logement : mettre « logement, terre et services de base » au centre pour réduire la pauvreté et améliorer la dignité.
- Trois priorités : A) soutenir les plus vulnérables ; B) préparation-réponse-reconstruction (Build Back Better) ; C) accélérer les actions climat-environnement.
- Focus villes & quartiers informels : urbanisation rapide, 73 % d’urbains en habitats non planifiés (2020) ; renforcer services, WASH, gestion des déchets.
- Droits fonciers (HLP) : sécuriser la tenure pour prévenir les expulsions, débloquer l’investissement des ménages et des acteurs publics/privés.
- Femmes & filles : solutions inclusives et sensibles au genre ; espaces publics sûrs ; levier logement pour santé, sécurité, autonomie économique.
- Déplacés & retours massifs : intégration locale par des approches participatives et « area-based », transition de l’abri vers le logement durable.
- Climat & résilience : planification urbaine résiliente, solutions fondées sur la nature, infrastructures vitales (eau, assainissement, protection contre les crues).
- Catastrophes : évaluer risques/vulnérabilités, reconstruire en mieux (techniques parasismiques, matériaux locaux, renforcement des compétences).
- Données & preuve : profils urbains multi-échelles (quartier/ville/territoire) pour orienter investissements et politiques fondées sur les risques.
- Nexus HDP : relier humanitaire-développement-paix ; mobilisation communautaire, cash-for-work, montée en compétences, cohésion sociale.
- Alignement ONU : contribution directe à l’UNSFA 2023-2027 (services essentiels, moyens de subsistance, droits humains/égalité de genre).
- Mise en œuvre : partenariats inter-agences (IOM, UNDP, UNHCR, UNICEF, ONU Femmes, UNESCO, etc.) et engagement technique avec autorités locales.
Il y a aujourd’hui deux forces qui étranglent l’Afghanistan : la première est celle du dérèglement climatique, implacable et global ; la seconde est celle, plus immédiate, de l’obscurantisme taliban, qui transforme ce pays meurtri en un laboratoire du désastre. L’une détruit l’environnement, l’autre empêche toute capacité d’y répondre. Ensemble, elles condamnent une nation tout entière à vivre sans air, sans eau et sans avenir.
Selon le dernier rapport UN-Habitat Afghanistan Strategic Priorities 2026-2027, l’Afghanistan est désormais classé parmi les sept pays les plus vulnérables et les moins préparés à faire face aux effets du changement climatique. Sécheresses prolongées, inondations récurrentes, épuisement des nappes phréatiques, désertification rapide — tout s’accélère. Dans les campagnes, la terre meurt ; dans les villes, la population s’entasse dans des quartiers informels, sans eau, sans assainissement, sans arbres. Et pourtant, au lieu de mobiliser la société, les Talibans ont choisi d’étouffer toute initiative, toute compétence, toute liberté de penser.
Les Nations Unies tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme : les villes afghanes suffoquent. À Kaboul, Hérat, Kandahar, la pollution de l’air atteint des niveaux catastrophiques. Les habitants brûlent du plastique et du charbon pour se chauffer, faute d’alternatives. Les véhicules vétustes, les générateurs et les usines sans filtre déversent un nuage permanent de particules fines. L’hiver venu, les hôpitaux se remplissent d’enfants et de vieillards qui ne peuvent plus respirer. ONU-Habitat parle d’une « crise sévère » qui menace la santé publique et la qualité de vie urbaine.
Mais cette crise n’est pas une fatalité : elle est le résultat d’un système politique qui refuse la raison. Sous le régime taliban, l’Afghanistan a perdu les institutions capables d’appliquer des normes environnementales, de planifier l’urbanisation ou d’investir dans les énergies propres. Les ingénieurs, les professeurs, les femmes scientifiques et les urbanistes ont été chassés des universités ou réduits au silence. Les Talibans ont supprimé le ministère de la condition féminine, restreint la liberté de la presse et interdit aux ONG de travailler librement, y compris dans les secteurs de la santé, de l’eau et du climat.
Cette paralysie institutionnelle a un prix : un pays sans État est un pays sans défense face au climat. À Kaboul, la nappe phréatique pourrait être épuisée d’ici 2030. À Hérat, le séisme de 2023 a détruit plus de 30 000 maisons construites sans normes parasismiques. Dans les plaines du sud, les sécheresses forcent des milliers de familles à migrer vers des villes déjà saturées. L’urbanisation chaotique, alimentée par la pauvreté et les déplacements forcés, crée des zones de misère où la promiscuité, la pollution et la faim s’entretiennent mutuellement.
Pour les femmes et les filles, la situation est encore plus dramatique. Le rapport d’UN-Habitat consacre un chapitre entier à la relation entre le logement, la dignité et les droits des femmes. Dans les quartiers informels, les maisons sans eau, sans fenêtres, sans espaces sûrs deviennent des prisons. L’exclusion du travail et de l’éducation les enferme davantage dans la dépendance et la peur. Les restrictions imposées par la « loi sur la vertu et la prévention du vice » (août 2024) ont fait de la vie domestique un espace de contrôle et de souffrance, tandis que les politiques urbaines ne prennent plus en compte ni leurs besoins ni leur sécurité.
L’Afghanistan n’est donc pas seulement une victime du climat — il est victime d’un régime qui sabote sa propre survie. La dictature talibane détruit les fondements mêmes de la résilience : la connaissance, la participation, la justice et l’égalité. Comment planifier une politique d’eau quand les femmes, principales collectrices, sont bannies de l’espace public ? Comment développer des énergies propres quand toute expertise étrangère ou féminine est suspecte ? Comment restaurer des forêts quand la survie quotidienne pousse les familles à couper le bois pour se chauffer ?
ONU-Habitat propose une autre voie : reconstruire à partir des communautés, donner aux habitants les moyens de bâtir des logements décents, de gérer leurs ressources et de participer à la planification locale. L’agence plaide pour des villes plus vertes, des transports publics, une énergie propre, des politiques foncières sécurisées et des espaces publics inclusifs. Elle insiste sur la nécessité d’une approche participative, sensible au genre, reliant humanitaire, développement et paix. Mais pour que ces projets aboutissent, il faut un minimum d’ouverture politique — ce que le régime taliban refuse obstinément.
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En refusant l’éducation des filles, en niant les droits humains, en bannissant les femmes du travail, les Talibans détruisent le capital humain sans lequel aucune reconstruction n’est possible. En fermant le pays, ils coupent les canaux de financement, d’expertise et de coopération qui pourraient soutenir la transition écologique. En imposant la peur, ils tuent la créativité, l’innovation, l’esprit communautaire. L’Afghanistan devient une bulle de carbone et de silence.
Les Nations Unies peuvent alerter, mais sans volonté politique interne, les programmes les plus ambitieux restent des mirages. Les Talibans prétendent défendre la vertu, mais ils livrent leur peuple à la poussière, à la famine et à l’asphyxie. L’écologie n’est pas seulement une question de nature, c’est une question de liberté. Là où l’on interdit de penser, on condamne à disparaître.
Ce qui étouffe aujourd’hui Kaboul n’est pas seulement la fumée du charbon, mais celle d’un régime qui brûle tout ce qui pourrait faire respirer le pays — la science, la femme, la parole et l’avenir
• Khaama Press – UN Warns Afghanistan’s Cities Facing Severe Air Pollution Crisis, par Fidel Rahmati, 22 octobre 2025. khaama.com/un-warns-afghanistans-cities-facing-severe-air-pollution-crisis
• 8am Media – UN: Severe Air Pollution Crisis Threatens Afghanistan’s Cities, par Mohammad, 22 octobre 2025. 8am.media/eng/un-severe-air-pollution-crisis-threatens-afghanistans-cities
• ONU OCHA – Afghanistan Humanitarian Needs and Response Plan 2025, décembre 2024. unocha.org/afghanistan-humanitarian-needs-and-response-plan-2025
• Human Rights Watch – World Report 2025: Afghanistan. hrw.org/world-report/2025/afghanistan
• UN Women – Women in Afghanistan: From almost everywhere to almost nowhere, août 2023. unwomen.org/news-stories/feature-story/2023/08










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