Les ambassades tombent, l’honneur résiste : l’Occident remet l’Afghanistan aux Talibans
Les ambassades tombent, l’honneur résiste : l’Occident remet l’Afghanistan aux Talibans
Par La Lettre d’Afghanistan
À Vienne, une lumière vacille encore dans la nuit diplomatique de l’Afghanistan. Tandis que la majorité des ambassades afghanes passent sous le contrôle des Talibans, l’ambassadrice Manizha Bakhtari continue, seule, de porter la voix d’un pays en exil — celui de la république afghane renversée en 2021.
Le reflux de la diplomatie afghane
Depuis la chute de Kaboul, les ambassades afghanes ont été plongées dans le chaos. Faute de reconnaissance internationale du régime taliban, mais aussi par absence d’un gouvernement républicain en exil, ces représentations se sont retrouvées dans un no man’s land juridique et financier.
Mais un glissement s’opère : plusieurs pays — dont la Chine, l’Iran, la Russie et le Pakistan — ont déjà remis les clés de leurs ambassades aux émissaires des Talibans. Et même en Europe, le mouvement se poursuit à bas bruit. Dans l’indifférence générale, l’Afghanistan diplomatique est doucement remis entre les mains de ceux qui l’ont brutalement pris par la force.
À Vienne, la dernière ambassadrice
Face à cette normalisation progressive, l’ambassadrice Manizha Bakhtari résiste. Dans les salons feutrés de l’ambassade d’Afghanistan à Vienne, elle incarne une diplomatie sans État, sans financement, mais avec une conviction inébranlable. Ancienne journaliste, militante des droits des femmes, elle refuse de baisser le drapeau de la république.
« La reconnaissance des Talibans reviendrait à entériner un régime d’apartheid de genre. Nous devons résister avec les moyens de la diplomatie, de la parole et du droit. »
Son combat est aujourd’hui mis à l’honneur dans le documentaire The Last Ambassador, présenté à Copenhague, où elle apparaît comme une figure de dignité face à l’abandon international.
Le prix du silence
Cette reddition diplomatique a des conséquences concrètes. Partout où les ambassades ont fermé ou basculé sous contrôle taliban, les Afghans de la diaspora sont confrontés à un vide :
- Impossible d’obtenir un passeport ou des papiers officiels.
- Aucune protection consulaire pour les réfugiés.
- Plus de voix afghane dans les enceintes internationales.
Ce désengagement n’est pas neutre : en abandonnant les ambassades aux Talibans, l’Occident envoie un signal de reconnaissance implicite à un régime fondé sur la répression, la censure et l’exclusion des femmes.
La diplomatie comme dernier front
L’ambassade de Vienne devient alors bien plus qu’une mission diplomatique. C’est un symbole. Un rappel que tous les Afghans ne se résignent pas. Qu’un autre récit reste possible. Et qu’en refusant la légitimation des Talibans, on continue de défendre une idée de l’Afghanistan, fondée sur la dignité, les droits et la justice.
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🔗 Article original en anglais dans The Independent :
https://www.independent.co.uk/asia/south-asia/last-afghan-ambassador-taliban-manizha-bakhtari-austria-b2730178.html
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