KABOUL – Hekmatyar dans le viseur des talibans : vers une nouvelle alliance de la résistance ?

Le 29 mars dernier, un nouveau décret du régime taliban a frappé l’un des derniers symboles politiques survivants de la République afghane. Le ministère taliban de la Justice a ordonné la fermeture immédiate de tous les bureaux du Hezb-e-Islami à travers le pays, ainsi que l’arrestation de ses membres et la confiscation de leur matériel. La raison officielle : la poursuite d’activités politiques dans un pays où les partis sont désormais hors-la-loi.

Mais au-delà d’un simple acte administratif, cette décision a des allures de provocation. Car Gulbuddin Hekmatyar, aussi appelé le boucher de Kaboul (il a refusé en 1992, après la victoire des mujahiddins sur les soviétiques, qu’Ahmad Shah Massoud figure emblématique de la lutte contre les Soviétiques puis ancien rival des talibans avant de s’en rapprocher, représentait l’un des derniers leaders politiques présents à Kaboul. Son fils, Habib-ur-Rahman, a fustigé le régime sur X (anciennement Twitter), accusant les talibans de répéter les erreurs du régime communiste : « Ils ne tolèrent ni la critique, ni l’opposition. Leur pouvoir est une honte. »

aussi appelé le boucher de Kaboul (il a refusé en 1992, après la victoire des mujahiddins sur les soviétiques, qu’Ahmad Shah Massoud fasse partie du gouvernement afghan et a préféré bombarder Kaboul jusqu’à démolir la ville. Il est aussi de notoriété publique qu’il a ou a fait assassiner

Un appel à la résistance armée ?

À ces tensions s’ajoute une réaction retentissante : le général Yasin Zia, chef du Front de la liberté, a appelé Hekmatyar à rejoindre les rangs de la résistance. Lors d’une cérémonie virtuelle marquant le deuxième anniversaire de la mort de ses commandants au col de Salang, Zia a lancé un message sans détour :

« Les talibans sont irréformables. La seule solution est leur renversement par la force. »

Zia, ancien chef d’état-major de l’armée nationale afghane, dénonce aussi les illusions entretenues par certains pays voisins :

« Les talibans ne sont les amis de personne. Celui qui paie le plus devient leur ami. Et Daech ? Ils en sont le miroir. »

Hekmatyar assigné à résidence

Depuis la fermeture des bureaux de son parti, Gulbuddin Hekmatyar serait assigné à résidence dans le quartier huppé de Wazir Akbar Khan, à Kaboul. La résidence historique qui lui avait été attribuée à Darulaman a été reprise par les talibans. S’il parvenait à fuir le pays, certains analystes estiment qu’il pourrait redevenir une figure clé de la résistance, grâce à la popularité de son mouvement dans certaines provinces.

Une opposition qui se structure

En parallèle, Ahmad Massoud, chef du Front de résistance nationale, a rappelé que « l’histoire a prouvé qu’aucun régime ne survit sans le soutien du peuple ». Dans une rare prise de parole, il a exhorté les figures politiques à s’unir pour offrir une alternative crédible au régime taliban.

La fermeture des bureaux du Hezb-e-Islami et les appels à l’insurrection militaire marquent un tournant dans l’histoire récente de l’Afghanistan. Si Hekmatyar devait rejoindre la résistance, une nouvelle alliance anti-talibane pourrait émerger, unissant anciens chefs de guerre, officiers républicains et figures populaires dans un front commun. Une perspective qui pourrait bien rebattre les cartes du pouvoir dans un pays toujours en quête de stabilité.

Pas sûr que la participation d’Hekmatyar dans une nouvelle alliance anti-talibane soit un atout pour la résistance, tant cet homme a trahi, tué et lutté contre l’installation d’un gouvernement démocratique en Afghanistan. Mais son influence est importante au sein des familles et tribus afghanes.

Lire : Au cœur du pouvoir taliban : guerre de clans, trafics et rivalités internes

Qui est Hekmatyar ?

Après la chute de la république démocratique d’Afghanistan de Mohammad Najibullah en avril 1992, Hekmatyar fut écarté du pouvoir auquel il estimait avoir droit. Toujours soutenu par l’ISIS (services secrets pakistanais) il participa à la bataille contre le commandant Ahmed Massoud pour le contrôle de Kaboul. Alors qu’il était Premier ministre, il n’a pas hésité à faire bombarder la ville à l’arme lourde par ses troupes, équipées par l’ISIS, détruisant un tiers de la capitale et faisant des dizaines de milliers de victimes. Il y gagnera le surnom de « boucher de Kaboul »[3],[4]. Il est également accusé d’avoir commandité des meurtres de journalistes, d’intellectuels et de féministes[5],[4]. Pris entre les talibans et les troupes de l’Alliance du Nord de Massoud, il s’enfuit et finit par se rallier implicitement aux talibans à leur arrivée à Kaboul en 1996

Pour en savoir plus, revoir le film magnifique de Christophe de Ponfilly : Massoud l’Afghan

ou lire le livre



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