Afghanistan : l’ordre moral comme instrument de domination

Selon un nouveau rapport de l’ONU, la police des mœurs est de nouveau pleinement en vigueur en Afghanistan. Les autorités arrêtent des hommes et des coiffeurs pour des coiffures et des longueurs de barbe « non conformes », ainsi que d’autres pour absence aux prières collectives. Cette répression a conduit à des détentions arbitraires généralisées, sans garanties légales. Les petites entreprises, notamment les salons de coiffure, les services de mariage et les établissements d’enseignement privés, ont été les plus touchées par ces répercussions socio-économiques, tandis que les politiques restrictives continuent de restreindre la vie quotidienne et les libertés individuelles.
Source : RAPPORT DE L’UNAMA Avril 2025
Avril 2025 – Depuis la promulgation, en août dernier, de la loi sur la « propagation de la vertu et la prévention du vice » (PVPV), le régime taliban a trouvé l’outil légal et institutionnel pour cimenter son emprise idéologique sur l’ensemble du pays. Derrière l’ambition affichée de créer une société conforme à une lecture rigoriste de la charia, c’est tout un appareil de contrôle social, politique et économique qui se déploie à grande échelle.
Une loi, un projet de société total
Cette loi n’est pas seulement un texte : elle est la pierre angulaire d’un projet. Elle codifie, systématise et renforce les interdits diffus depuis le retour au pouvoir des talibans. Port du hijab intégral, interdiction pour les femmes de voyager sans mahram, prohibition de la musique, de certaines coiffures, d’images figuratives ou de célébrations culturelles, elle impose un modèle normatif unique à une société diverse et fragmentée.
Le texte, divisé en quatre chapitres et 35 articles, puise dans la jurisprudence hanafite et s’applique à toutes les sphères : de la vie familiale aux lieux de travail, en passant par la rue, l’école, l’hôpital et jusqu’aux studios de radio.
3 300 inspecteurs pour faire régner la vertu
Pour veiller à l’application du texte, quelque 3 300 inspecteurs masculins ont été déployés dans 28 provinces. Ils disposent de pouvoirs discrétionnaires étendus : détention arbitraire jusqu’à trois jours, confiscation de biens jugés contraires à la vertu, sanctions immédiates.
Le maillage institutionnel est dense. À côté du ministère du PVPV, des comités provinciaux ont été créés dans presque toutes les provinces, dirigés par les gouverneurs de facto. Des sous-comités agissent au sein des universités, des mosquées ou des administrations locales. La société est quadrillée. Les corps sont surveillés.
Les femmes, premières cibles
Le rapport de la MANUA est sans ambiguïté : les femmes et les filles sont les premières victimes. Les restrictions s’accumulent : exclusion de l’enseignement secondaire et supérieur, contrôle des déplacements, pression sur l’apparence, surveillance accrue dans les lieux publics.
L’impact est aussi économique : près de la moitié des entreprises dirigées par des femmes voient leurs revenus chuter. Beaucoup ferment, incapables de respecter les exigences de ségrégation, ou dissuadées par les visites intrusives des inspecteurs.
Dans le secteur humanitaire, la situation est alarmante : 46 % des organisations interrogées en décembre 2024 déclaraient que les femmes ne pouvaient plus se rendre au bureau, et 43 % qu’elles ne pouvaient plus accéder aux bénéficiaires sur le terrain.
Hommes contrôlés, société étouffée
Les hommes aussi sont pris dans cette logique coercitive. Contrôles sur la longueur de la barbe, obligations de participation aux prières, interdictions de coiffures jugées « occidentales » : plus de la moitié des détentions observées concernent l’apparence des hommes.
Le mois de Ramadan a vu un renforcement brutal de ces contrôles, avec des détentions pour non-participation aux prières ou ouverture de commerces durant les heures interdites. Les barbiers, photographes, musiciens, restaurateurs ou tailleurs sont autant de professions aujourd’hui sous pression, victimes collatérales de la « vertu » institutionnalisée.
Une normalisation de l’oppression
Le plus troublant, note la MANUA, est que l’application de la loi dépasse les seuls inspecteurs. Les familles, les voisins, les chefs religieux locaux deviennent des relais du pouvoir. La peur s’installe. L’autocensure aussi. La dissidence devient impossible, même à huis clos.
Cette dynamique transforme profondément la société : l’intime devient politique, le foyer devient un lieu de surveillance. Ce glissement vers une forme d’autorégulation communautaire signe l’efficacité de la stratégie des talibans : modeler les comportements en faisant peser la responsabilité de la répression sur la communauté elle-même.
Une économie en panne, un isolement croissant
La Banque mondiale l’a chiffré : 1,4 milliard de dollars pourraient être perdus chaque année du fait de l’interdiction faite aux femmes de travailler ou d’étudier. À cela s’ajoutent les fuites de capitaux, les désinvestissements, les craintes des bailleurs. L’Afghanistan s’enfonce dans une spirale d’appauvrissement et d’isolement.
Les talibans s’en défendent. Ils affirment vouloir un « système islamique pur ». Mais à quel prix ? Le pays, privé de sa jeunesse, de ses femmes, de ses voix critiques, et désormais d’une part grandissante de sa population productive, semble condamné à l’asphyxie.
Commentaires d’Amrullah Saleh sur son compte twitter @AmrullahSaleh2
https://x.com/AmrullahSaleh2/status/1910325960223633822
Selon des preuves tangibles, depuis 2021, la MANUA a dépensé 700 millions de dollars pour commettre les échecs suivants ! =============================
La Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a dépensé près de 700 millions de dollars pour maintenir sa présence en Afghanistan. Pourtant, en avril 2025, on peut se demander : la MANUA peut-elle citer sept réalisations concrètes et positives depuis août 2021 ? Si elle peine à mettre en avant ses succès, ses échecs majeurs sont plus difficiles à ignorer ; des échecs qu’elle dissimule souvent sous divers prétextes.
Voici une liste de dix lacunes critiques qui révèlent les difficultés rencontrées par la mission pour remplir son mandat.
Premièrement, malgré les protestations de la MANUA, les talibans ont appliqué la loi PVPV, soulignant l’influence limitée de la mission sur les décisions politiques clés.
Deuxièmement, la MANUA a déclaré que l’expulsion des femmes des ONG était une « ligne rouge », mais le chef taliban Hibatullah l’a franchie sans conséquence, révélant ainsi l’incapacité de la mission à faire respecter les limites qu’elle a fixées.
Troisièmement, le processus de Doha s’est déroulé sans représentation de la société civile ou des non-talibans, malgré les objections de la MANUA, ce qui souligne encore davantage son rôle marginal dans l’élaboration d’un dialogue inclusif.
Quatrièmement, la MANUA n’a pas d’accès direct aux centres de détention et doit s’appuyer sur des informateurs rémunérés et bénévoles pour obtenir des informations – une approche improvisée qui compromet sa crédibilité.
Cinquièmement, ayant perdu le contact avec la société civile afghane, la mission a désormais recours à des discussions en ligne avec des soi-disant « interlocuteurs », un piètre substitut à un engagement significatif.
Sixièmement, la MANUA a atténué ses efforts en faveur d’un gouvernement inclusif, le redéfinissant comme une « gouvernance inclusive ». Selon cette norme édulcorée, l’embauche d’un religieux non taliban est présentée comme un progrès, même si une représentation plus large demeure absente.
Septièmement, prise au piège des rivalités et du dynamisme des grandes puissances mondiales, la MANUA a outrepassé son mandat. Plutôt que d’identifier des interlocuteurs non talibans pour favoriser la stabilité et résoudre la crise afghane, elle s’est alignée sur des intérêts géopolitiques concurrents.
Huitièmement, les talibans ont violé et manqué de respect à plusieurs reprises à l’immunité diplomatique de la MANUA, portant ainsi atteinte à son autorité et à son indépendance opérationnelle.
Neuvièmement, par crainte de représailles, la MANUA hésite à inviter des Afghans non talibans dans ses bureaux pour des consultations ou des réunions. Pire encore, elle a discrètement autorisé les services de renseignement talibans à contrôler son personnel local. Il en résulte un effectif qui ne reflète pas la diversité du tissu social afghan : les groupes ethniques, les femmes et les communautés marginalisées sont largement sous-représentés.
Par conséquent, les rapports et les actions de la MANUA ne parviennent pas à rendre compte de la brutalité des talibans et des dures réalités de leur régime.
Enfin, dixièmement, la MANUA paie désormais directement les talibans pour sa sécurité, après avoir annulé des contrats avec des entreprises privées. Cet arrangement permet non seulement aux milices talibanes de surveiller les activités de la mission, mais dissuade également les Afghans non talibans de s’adresser aux bureaux de la MANUA, ce qui accentue son isolement.
En résumé, ces échecs dressent un tableau inquiétant de l’efficacité de la MANUA. Loin de favoriser la stabilité ou de faire entendre la voix des Afghans, la mission apparaît de plus en plus compromise, déconnectée et soumise aux forces mêmes qu’elle était censée influencer.
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