Quatrième anniversaire de la chute de la République et perspectives de la lutte pour la liberté de l’Afghanistan

Par Yasin Zia

L’arrivée du 24 Asad rappelle l’un des jours les plus sombres de l’histoire contemporaine de l’Afghanistan. Ce que nous avons subi, nous et notre pays, durant ces quatre années de domination talibane, ne saurait en aucun cas être considéré comme un destin mérité pour un peuple qui a sacrifié sans compter pour la liberté, la foi et ses valeurs historiques et culturelles.

L’Afghanistan actuel ressemble à une immense prison dirigée par des groupes terroristes, qui traitent ses habitants comme des captifs et des esclaves, tout en pillant sans relâche ses richesses matérielles et spirituelles.

La volonté de normaliser et de présenter comme normal cet état de fait — entreprise amorcée bien avant ces quatre années — a désormais porté ses fruits : le résultat est l’une des plus grandes tragédies de l’histoire, et elle se déroule dans l’indifférence générale.

Dans cette ère post-républicaine, marquée par les contradictions et les incohérences, l’effort pour maintenir vivante la flamme de la résistance — civile, politique et militaire — contre les Talibans nous a offert des enseignements précieux, que je souhaite résumer ici.

Les Talibans et trois décennies de crimes

Beaucoup a été dit et écrit sur les conditions qui ont favorisé l’émergence des Talibans, leur arrivée aux portes de Kaboul en moins de deux ans et, finalement, l’occupation de la capitale en octobre 1996. Mais on a moins évoqué l’impasse stratégique à laquelle le groupe s’est trouvé confronté immédiatement après sa prise de Kaboul. L’examen de cette impasse aide pourtant à comprendre plus aisément la situation actuelle.

Dès la chute de Kaboul, une résistance significative s’est formée contre eux. À l’exception de trois pays — le Pakistan, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis —, aucune nation au monde n’a reconnu l’Émirat taliban. Ce n’est qu’après que le réseau Al-Qaïda, sous la direction d’Oussama ben Laden, prétendu « invité » mais véritable mentor idéologique des Talibans, a fait exploser les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998, que le monde a commencé à prêter attention à cette menace grandissante.

Militairement, les forces de l’Alliance du Nord, établies au nord de Kaboul, étaient en mesure de reprendre la capitale peu après la stabilisation du front. Mais leur direction s’y refusa pour deux raisons : l’absence d’une armée et d’une police régulières et formées, capables de gérer immédiatement les affaires civiles et militaires ; et l’incertitude quant à la géographie du conflit après la reprise de Kaboul. La douloureuse expérience des guerres civiles dans la capitale avait laissé un héritage : ne pas se lancer dans une reconquête sans vision stratégique claire de la gouvernance à instaurer. Dans les zones qu’elle contrôlait, la résistance avait donc bâti des infrastructures militaires, policières, ainsi que des centres civils et militaires de formation.

Du 11 septembre 2001 au 15 août 2021

L’assassinat d’Ahmad Shah Massoud par Al-Qaïda le 9 septembre 2001 fut un coup sévère pour l’alliance anti-talibane. Mais les attentats du 11 septembre ramenèrent l’Afghanistan au centre de la scène mondiale. Bien gérées, les opportunités immenses offertes alors auraient pu éviter la situation actuelle.

Durant la seconde décennie de la République, la lutte contre l’insurrection talibane coûta des milliers de vies aux forces de sécurité afghanes nouvellement créées. Mais le combat idéologique contre les Talibans fut volontairement négligé. L’absence de confiance des élites politiques envers cet aspect « soft » de la lutte constitua un frein majeur.

Le projet républicain et le processus démocratique, lancés à la hâte après le 11 septembre, souffrirent d’une erreur initiale capitale : le choix des partenaires et exécutants étrangers, issus pour la plupart de cercles politiques déconnectés du pays, plus soucieux d’enrichissement personnel que de service public. Ces acteurs, soutenus par la communauté internationale, pénétrèrent même les institutions sécuritaires, démantelant les forces locales expérimentées sous prétexte de désarmement.

Les processus démocratiques, notamment électoraux, furent manipulés au profit de certains groupes, tandis que les Talibans étaient tour à tour qualifiés de « frères froissés » ou d’« opposants à la présence étrangère ». Pour beaucoup d’élites, les Talibans ne représentaient pas une menace réelle pour leurs intérêts. Cette corruption et cette incompétence minèrent la République, précipitant son effondrement.

De la chute à la résistance

L’effondrement semblait inévitable après le retrait des forces internationales, tandis que la résistance au second Émirat taliban était réduite, dans l’opinion, à des rivalités entre anciens dignitaires de la République.

Dès leur retour au pouvoir, les Talibans commirent des crimes de guerre dans le Panjshir, l’Andarab, Khost wa Fereng et ailleurs, exécutant sommairement des prisonniers, menant des purges ethniques, poursuivant et assassinant d’anciens membres des forces de sécurité, et réimposant un régime d’oppression et de ségrégation. Les réseaux sociaux et médias furent envahis par l’indignation, mais la communauté internationale observa avec silence et ambiguïté.

C’est dans ce contexte que fut fondé, à l’hiver 2021, le Front pour la Liberté de l’Afghanistan (AFF), pour raviver la lutte et offrir un refuge politique et militaire à ceux refusant la servitude.

Pourtant, malgré la présence d’au moins deux fronts armés actifs, nombre de figures politiques n’ont apporté aucun soutien significatif, préférant protéger leurs biens, voire collaborer avec les Talibans. En exil, des dizaines de partis et organisations se sont créés, mais leur action est restée limitée à la rhétorique médiatique, refusant de reconnaître la nécessité de la lutte armée.

Parmi eux, une catégorie de « nouveaux seigneurs des ONG » prospère grâce aux relations internationales, détournant l’aide humanitaire au profit des réseaux talibans tout en rejetant toute lutte militaire.

Les femmes, en revanche, ont incarné la résistance la plus visible dans la rue et sur la scène internationale, bien que peu d’entre elles se soient exprimées publiquement en faveur des combats armés. Certaines, pourtant, se battent au sein du Front pour la Liberté en Afghanistan même.

Mot de la fin

Cette phase de lutte, bien que vitale, se distingue radicalement des précédentes par ses ressources, ses motivations et son contexte. Les obstacles s’accroissent avec chaque jour de régime taliban, et la libération peut sembler impossible. Mais l’expérience montre que cet objectif sacré n’est pas hors de portée.

Les manifestations massives de soutien populaire aux martyrs de la résistance, que ce soit à Salang, Panjshir ou Andarab, prouvent que notre peuple garde espoir. Les combattants actifs dans 31 provinces savent que beaucoup, à l’étranger, se disent opposés aux Talibans mais n’osent même pas citer les fronts militaires dans leurs discours.

L’unité de toutes les forces anti-talibanes sous une même bannière est souvent évoquée, et sur le terrain, une coordination stratégique existe déjà entre combattants. Mais nombre de personnalités de l’ancienne République, malgré leur influence et leurs moyens, n’ont rien apporté à cette cause.

Après quatre ans d’occupation par un ennemi hostile à nos ethnies, nos religions, nos droits civiques et l’égalité des sexes, mais aussi à notre dignité humaine même, notre combat continue et continuera, quel qu’en soit le prix.

L’histoire prouve que la chute de régimes despotiques et fanatiques est inévitable. Mais elle enseigne aussi qu’aucune victoire n’est possible sans une lutte sur le terrain, engagée, sacrificielle et orientée vers un objectif clair.

Puisse la nouvelle génération de combattants libres et dévoués — qui ont juré de délivrer notre pays du monstre du terrorisme, de l’extrémisme, de la violence et de la tyrannie — ne jamais rester seule dans cette lutte longue et difficile.



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