Massacres au Badakhshan : quand les talibans vengent Dasht-e-Leili

Une stratégie ethnique assumée : pourquoi les Talibans ciblent le Badakhshan

Dans un message bouleversant, le professeur Nazif Shahrani, universitaire afghan de renommée internationale, alerte sur l’horreur en cours dans sa province natale du Badakhshan. Son témoignage, basé sur un appel reçu de son village de Shahran le 2 juillet 2025, révèle la violence méthodique des talibans contre les populations non-pachtounes, notamment tadjikes et ouzbèkes, et l’existence d’une stratégie ethnique bien établie.

Shahrani souligne que l’hostilité historique des « talibans pachtounes » envers le Badakhshan s’enracine dans leur volonté de briser les bastions traditionnels du pouvoir tadjik et d’éradiquer les forces susceptibles de remettre en cause leur domination. Cette obsession explique l’acharnement contre deux pôles identitaires : le Badakhshan et le Panjshir, identifiés de longue date par les talibans comme des menaces à la suprématie ethnique qu’ils revendiquent.

Le massacre de Shahran : un crime impardonnable

Selon le jeune témoin contacté par Shahrani, dans la nuit du 1er au 2 juillet, le mollah Amanuddin, un commandant taliban local, a mené une attaque sanglante contre Shahran avec des renforts venus du sud du pays. Le bilan est tragique : huit morts, plus de cinquante blessés, et des dizaines de jeunes hommes capturés pour avoir servi comme soldats du gouvernement républicain, souvent par nécessité économique.

Les talibans bloquent actuellement toutes les issues du village, empêchent l’évacuation des blessés vers des structures médicales inexistantes sur place, et imposent une terreur absolue aux familles. Ces méthodes, basées sur des représailles ethniques, rappellent les pires heures de la guerre civile afghane.

« Vous êtes tous des Ouzbeks, et nous allons venger Dasht-e-Leili »

Cette phrase glaçante, lancée par un officier taliban, montre la nature du conflit : une vengeance ethnique instrumentalisée, faisant écho au massacre de Dasht-e-Leili en 2001, lorsque des centaines de prisonniers talibans furent tués sous le commandement du général Dostum. Aujourd’hui, ces événements servent de justification à la répression des habitants du Badakhshan.

Une responsabilité internationale accablante

Le professeur Shahrani dénonce avec force la responsabilité directe des États-Unis, de l’OTAN et de l’ONU, en raison des discussions récentes à Doha qui offrent une légitimité internationale aux talibans. Ces négociations permettent au régime taliban d’utiliser l’argument de la « lutte antidrogue » comme prétexte pour massacrer des agriculteurs pauvres dans le nord, alors que dans les zones pachtounes du sud, la production de pavot est tolérée et soutenue indirectement par des financements de substitution aux cultures.

Un appel urgent à la communauté internationale

Sans une réaction immédiate, avertit Shahrani, une catastrophe humaine est en cours. Il appelle à une enquête indépendante des Nations unies sur les crimes commis à Khash, ainsi qu’à des mesures concrètes pour protéger les populations non-pachtounes du nord. À défaut, l’ONU et les pays impliqués dans le processus de Doha porteront une part de responsabilité dans les massacres à venir.

Panshir sous siège : 20 000 talibans mobilisés

Des informations concordantes signalent également que plus de 20 000 combattants talibans venus du sud se sont massés dans la province du Panjshir, autre symbole de la résistance tadjike. Depuis, un couvre-feu de fait est imposé : après 19 heures, personne ne peut sortir de chez soi sans autorisation, même en cas d’urgence.

Un nettoyage ethnique sous couvert de dialogue international

La situation décrite par le professeur Shahrani dévoile la dimension ethnique d’une répression systémique orchestrée par les talibans, tolérée par l’inaction de la communauté internationale. Derrière les discussions feutrées de Doha, la réalité du terrain est celle d’un nettoyage ethnique rampant, visant à soumettre durablement les provinces non-pachtounes au diktat taliban.