Madrassas Talibanes : l’esclavage sexuel déguisé en piété

Depuis la fermeture des écoles secondaires et des universités aux filles par le régime taliban, une alternative religieuse a été promue comme seule voie d’instruction tolérée : les madrassas. Mais derrière ce masque d’enseignement coranique, ce sont des mécanismes d’endoctrinement, de soumission, et surtout de contrôle sexuel qui se mettent en place. Les madrassas ne sont pas de simples institutions religieuses. Elles sont devenues le pilier d’un système d’asservissement des filles, un réservoir de jeunes épouses soumises, livrées à des hommes armés au nom d’une interprétation dévoyée de la religion. Ce que vivent aujourd’hui des centaines, peut-être des milliers d’adolescentes afghanes, relève de l’esclavage sexuel. Un esclavage institutionnalisé, organisé, couvert par une idéologie politico-religieuse totalitaire.
Les témoignages recueillis dans les provinces de Baghlan et Kunduz révèlent des pratiques glaçantes : les responsables des madrassas collectent des photos de leurs élèves sous prétexte d’enregistrement administratif. Ces images sont ensuite transmises à des combattants ou à des responsables talibans, qui sélectionnent parmi les jeunes filles celles qu’ils souhaitent épouser. Le refus de la proposition entraîne des menaces, le chantage au certificat scolaire, l’humiliation sociale. Une étudiante qui rejette une telle union est ostracisée, voire privée de tout avenir académique. Les familles qui tentent de s’opposer reçoivent des menaces directes. Le processus ne laisse aucun doute : ces filles sont choisies, contraintes, remises. Le mariage n’est ici qu’un vernis. Il s’agit d’une exploitation sexuelle sous contrainte, légitimée par le pouvoir et justifiée par la foi.
Les données les plus récentes corroborent l’ampleur de ces violences. Afghan Witness a recensé plus de 840 cas documentés de violences sexistes depuis 2021, dont au moins 115 cas d’esclavage sexuel, de mariages forcés ou de viols, dans plus de la moitié des cas impliquant des membres talibans. L’ONG Walk Free classe désormais l’Afghanistan parmi les pays où l’esclavage moderne, sous forme de mariages forcés et de servitude sexuelle, est systémique. Le lien entre l’exclusion éducative et les unions précoces est clair. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, dans plusieurs rapports récents, observe une hausse brutale des mariages de mineures depuis la fermeture des écoles. En l’absence de toute alternative sociale ou économique, les filles sont réduites à une seule fonction : satisfaire les besoins du régime.
L’endoctrinement dans les madrassas facilite cette dérive. L’apprentissage religieux y est strictement encadré : pas de téléphone, pas de voix, pas de question. Les filles y apprennent que leur devoir est d’obéir à leur époux, que leur salut dépend de leur soumission. Toute résistance est décrite comme un péché. Certaines, après plusieurs années, finissent par accepter leur sort : elles se disent prêtes à devenir les troisièmes ou quatrièmes épouses de talibans. C’est là que le piège devient complet. L’exploitation se fait avec le consentement extorqué de la victime. Quand une fille commence à penser que sa propre servitude est une vertu, alors le système a accompli sa fonction.
Le régime taliban n’a jamais aboli le mariage forcé. Le décret de 2021 interdisant théoriquement ces pratiques n’a jamais été appliqué. Bien au contraire, les mollahs et responsables locaux continuent d’affirmer que toute fille pubère peut être donnée en mariage par son père ou son grand-père. En réalité, les Talibans ont reconstruit un système patriarcal total dans lequel la femme est propriété. Et les madrassas, loin d’émanciper, deviennent l’antichambre de cette mise sous tutelle. Les épouses sont sélectionnées, modelées, affectées comme on affecterait des ressources.
Les conséquences sont psychologiques autant que sociales. La majorité des filles concernées souffrent d’isolement, de dépression, d’anxiété chronique. Selon une enquête récente de l’ONU, 76 % des femmes interrogées disent se sentir « mal ou très mal » depuis le retour au pouvoir des Talibans. Beaucoup expriment un profond sentiment d’effacement. Elles ne se vivent plus comme des sujets, mais comme des objets. L’absence d’éducation, combinée à l’enrôlement sexuel, détruit les fondements mêmes de leur humanité.
Ce phénomène, bien que documenté, ne suscite pas l’indignation qu’il mérite. La communauté internationale ferme les yeux. Aucune enquête officielle sur ces pratiques n’a été ouverte. Aucune juridiction internationale n’a encore reconnu que ces mariages imposés, sous la contrainte, dans des contextes d’endoctrinement et d’enfermement, relèvent de l’esclavage sexuel. Le droit international est pourtant clair : dès lors qu’une union est imposée, sans consentement réel, dans un cadre de domination institutionnelle et sans possibilité de fuite, il s’agit bien d’un crime.
Les Talibans se targuent de protéger la moralité islamique. En réalité, ils utilisent la religion comme une arme pour asservir les corps. Ils ont remplacé l’éducation par l’enfermement, l’instruction par la soumission, le mariage par la captivité. Ce qu’ils bâtissent à travers les madrassas est un système sexuel autoritaire : un réseau d’esclavage sexuel silencieux, où les victimes n’ont ni voix, ni loi, ni issue.
Il est temps de nommer les choses. Ce n’est pas un simple abus. Ce n’est pas une déviance locale. C’est une stratégie d’État. Et tant que le monde acceptera de négocier avec ce régime sans l’obliger à rendre des comptes, tant que les Talibans seront invités à des tables de négociation sans être confrontés à leurs crimes, les filles afghanes continueront d’être sacrifiées, sous nos yeux, au nom d’un ordre pseudo-religieux qu’aucune foi ne peut justifier.
Ce n’est pas une question afghane. C’est une question universelle de droit humain. Accepter cet esclavage sexuel sous couvert de religion, c’est accepter que n’importe quel pouvoir, demain, puisse abolir l’humanité de la moitié de son peuple. Le combat contre ce système ne peut être différé.
sources :
Afghan Witness : entre janvier 2022 et juin 2024, ce projet a recensé 840 cas de violences sexistes en Afghanistan, dont au moins 115 incidents de mariage forcé, esclavage sexuel, viol ou agression sexuelle. Plus de la moitié des auteurs présumés sont des membres des Talibans asylos.libguides.com+11The Guardian+11DOL+11.
Global Slavery Index / Walk Free : décrit l’Afghanistan comme l’un des pays les plus affectés par l’esclavage moderne : en 2021, environ 505 000 personnes vivaient en esclavage, avec des pratiques implicites de mariage forcé et d’exploitation sexuelle sous contrôle taliban Walk Free+3Walk Free+3Walk Free+3.
All Survivors Project (ASP) : analyse la vulnérabilité extrême aux violences sexuelles dans le contexte post‑Taliban et souligne la quasi‑impossibilité d’un recours, renforcée par la fermeture des moyens de défense et d’enquête État des États-Unis+5allsurvivorsproject.org+5Walk Free+5.
Rapports britannique sur les enfants non accompagnés (2024 UK country policy note) : mentionnent qu’une fille sur trois est mariée avant 18 ans en Afghanistan, avec une forte augmentation depuis 2021. Le mariage forcé reste répandu, y compris imposé par des responsables talibans GOV.UK.
Walk Free / Asia-Pacific regional : témoignage d’Arzu, 17 ans, mariée par son oncle pour « éviter » un mariage Taleb, déclare : « je suis traitée comme une esclave », victime de violences répétées et de menace de mort Walk Free+1Walk Free+1.
Rapports du Département d’État américain (Trafficking in Persons Report 2023‑24) : indiquent que le régime taliban n’a pris aucune mesure réelle contre la traite sexuelle ou le mariage forcé, et les victimes ne sont ni identifiées ni protégées iom.int+13État des États-Unis+13État des États-Unis+13.
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