La Lettre d’Afghanistan 29 octobre 2025

Numéro 45

Malala Yousafzai : La normalisation des relations avec les talibans est une « trahison envers les femmes afghanes »

Malala Yousafzai, lauréate du prix Nobel de la paix, a vivement critiqué l’approche de certains pays occidentaux envers les talibans, avertissant que la normalisation des relations avec ce groupe équivaut à une « trahison envers les femmes d’Afghanistan, une hypocrisie et une erreur ».

Dans une interview accordée au magazine allemand Der Spiegel, elle a souligné que la situation des femmes en Afghanistan est pire que jamais et qu’elles vivent sous l’ombre de la « terreur et de la peur » des talibans. Yousafzai a appelé le gouvernement allemand à revoir sa politique envers les talibans et a déclaré : « Je demande au peuple allemand de montrer sa solidarité avec le peuple afghan, de soutenir les femmes et d’écouter leur voix. »

Elle a averti que légitimer les talibans revient à ignorer leurs crimes et a ajouté : « Aucun pays ne devrait normaliser ses relations avec les talibans. Les talibans doivent être tenus responsables des crimes qu’ils ont commis. »

Yousafzai a précisé : « Normaliser les relations avec les talibans signifie normaliser la répression des femmes. C’est une erreur, une trahison et une hypocrisie manifeste. »

Elle a fait référence à la propagande des talibans sur les réseaux sociaux, affirmant que ce groupe tente de se présenter comme pacifique, mais la réalité est que les talibans non seulement n’ont pas changé, mais sont devenus plus extrémistes et plus intelligents. Selon elle, « tant que les femmes et les filles sont opprimées, il n’y a pas de paix. »

Yousafzai a également demandé que « l’apartheid sexuel » en Afghanistan soit reconnu et défini comme un crime en droit international. Elle a insisté : « La communauté internationale doit prendre au sérieux la lutte des femmes. »

Cette militante des droits humains a ajouté que les talibans ont systématiquement exclu les femmes de la vie publique et que tous les acquis des deux dernières décennies pour les femmes en Afghanistan ont été anéantis.


Les Talibans piétinent la liberté des médias (Human Rights Watch, octobre 2025)

Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les Talibans ont méthodiquement détruit la liberté de la presse en Afghanistan. Human Rights Watch décrit un paysage médiatique anéanti : surveillance généralisée, censure stricte, détentions arbitraires, torture et disparition de journalistes, en particulier de femmes. Les médias restants opèrent sous la menace permanente de la police religieuse et du renseignement, tenus de diffuser des contenus « positifs » et approuvés à l’avance. Toute critique du régime, tout contact avec des médias en exil ou toute mention de désaccord interne peut mener à l’arrestation. Les journalistes Hazara subissent des discriminations encore plus violentes, victimes de tortures et d’humiliations raciales. Les femmes journalistes, quant à elles, ont quasiment disparu du paysage médiatique. Celles qui persistent à travailler sont contraintes de le faire depuis leur domicile, sous hijab, avec interdiction de parler à des hommes ou de couvrir des événements publics. Dans plusieurs provinces, leurs voix sont bannies des radios et des télévisions.
La loi sur la « propagation de la vertu et la prévention du vice » (2024) interdit toute image d’être vivant et impose la conformité à la charia. La peur a généralisé l’autocensure : la majorité des reportages se limitent à des cérémonies officielles ou à des sujets anodins. En quatre ans, plus de la moitié des médias privés ont fermé ; le nombre de journalistes masculins a chuté de 4 000 à 2 000, et celui des femmes de 1 400 à 600.
Les exilés, notamment en Turquie, au Pakistan et aux États-Unis, vivent dans une extrême précarité et sous la menace d’un retour forcé. HRW appelle les pays d’accueil à respecter le principe de non-refoulement, à soutenir les journalistes afghans réfugiés et à refuser toute reconnaissance d’un régime qui réduit la presse au silence.

“Alors que la répression s’intensifie, les voix indépendantes de l’Afghanistan sont plus nécessaires que jamais.”

Lire le rapport complet


The Guardian – “Les footballeuses réfugiées afghanes se voient refuser des visas pour leur premier tournoi aux Émirats arabes unis”


Suzanne Wrack – 23 octobre 2025

Les Émirats arabes unis ont rejeté les demandes de visa des membres de l’équipe féminine réfugiée d’Afghanistan, qui devait participer à ses premiers matchs officiels dans le pays. Les joueuses, qui s’étaient rendues dans différents aéroports, ont été informées qu’elles ne pouvaient pas embarquer, provoquant chez beaucoup d’entre elles un profond sentiment de traumatisme et de reviviscence.

L’équipe devait affronter les Émirats, le Tchad et la Libye dans le cadre de la série Fifa Unites: Women’s Series, du jeudi au mercredi suivant. Les 23 joueuses, sélectionnées lors de camps de détection pour représenter Afghan Women United, devaient s’envoler vers Dubaï le 11 octobre pour un stage d’entraînement.

Basées en Australie, au Royaume-Uni, au Portugal et en Italie, elles avaient reçu pour instruction de la FIFA de se rendre à l’aéroport, bien que leurs visas n’aient pas encore été délivrés. Arrivées sur place, la FIFA leur a finalement indiqué qu’elles ne pouvaient pas embarquer. Beaucoup d’entre elles avaient fui l’Afghanistan en 2021 dans des conditions extrêmes, via l’aéroport de Kaboul, lors du retrait des forces occidentales. Depuis, elles vivaient dans l’incertitude, prêtes à voyager à tout moment.

Lundi, la FIFA a annoncé que le tournoi serait déplacé au Maroc, la Tunisie remplaçant les Émirats pour compléter le quatuor. Le premier match, impliquant l’équipe afghane, est prévu pour dimanche. La FIFA précise que la responsabilité des visas incombe à la fédération hôte et affirme avoir demandé des garanties avant d’attribuer le tournoi aux Émirats.

Les joueuses, épuisées mentalement et physiquement après plus de 30 heures de voyage pour certaines, se disent déçues par l’organisation et inquiètes de devoir jouer si vite après leur arrivéeLa FIFA a reconnu que ces circonstances, indépendantes de sa volonté, ont pu affecter les joueuses, et affirme maintenir leur bien-être comme priorité absolue, en leur offrant un accompagnement psychologique et logistique continu.

Les Émirats arabes unis, qui entretiennent des relations de facto avec le gouvernement taliban, n’ont pas commenté la situation. Selon la FIFA, le changement de lieu a été décidé afin de garantir « un environnement sûr, inclusif et compétitif, conforme aux valeurs du tournoi et à la stratégie pionnière de la FIFA en faveur du football féminin afghan ».

22 octobre : La FIFA a annoncé que l’équipe nationale afghane de football féminin en exil a été transférée au Maroc pour participer au tournoi international « FIFA Unites: Women’s Series 2025 ».

Selon The New Arab, qui a rapporté tôt jeudi 23 octobre, le tournoi devait initialement avoir lieu à Dubaï à partir de jeudi. Cependant, en raison de problèmes de délivrance de visas pour les joueurs afghans en exil, le lieu et les dates ont été changés, et les matchs commenceront maintenant dimanche.

L’équipe féminine afghane en exil se mesurera aux équipes nationales du Tchad, de la Tunisie et de la Libye dans ce tournoi. Les joueuses, qui ont fui l’Afghanistan et résident maintenant dans divers pays, ont nommé leur équipe « Afghan Women United »

La FIFA a déclaré dans un communiqué que ce tournoi fait partie de sa « Stratégie d’action globale pour le football féminin afghan », qui comprend la fourniture d’un soutien et d’une préparation aux joueuses afghanes avant les compétitions.

Actuellement, la Tunisie se classe au 96e rang mondial de la FIFA, tandis que le Tchad et la Libye doivent encore être inscrits au classement.


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