Afghane, Nadia Anjuman

Afghane
Aucun élan, aucun désir
Que pourrais-je bien dire ?
Que je chante ou ne chante pas, qu’importe
Moi, rejetée du monde, niée
Parler du sucre, pourquoi ?
Avec le poison dans ma bouche
Les coups de l’oppresseur
Ont mis ma bouche en sang
Personne au monde pour me consoler
A qui me confier ?
Que je pleure, que je rie
Que je meure ou que je reste
Me voilà au creux de cette prison
Espoirs envolés, désirs non exaucés
Je suis née en vain, c’est vrai
Et ma bouche doit rester scellée
Je sais, ô mon cœur qu’il existe un printemps
Une saison pour la joie
Mais que faire ? Mes ailes sont attachées
Et je ne peux m’envoler
Mon silence perdure, je sais
Et pourtant, je n’oublie pas les chants
Puisque de mon cœur à chaque instant
Tant de plaintes sont exhalées
En souvenir du jour glorieux
Où ma cage enfin brisée
Relevant la tête hors la solitude
Ivre, je me remettrai à chanter
Je ne suis pas le faible saule
Qui tremble à tous les vents
Je suis afghane, il est donc légitime
Que sans cesse je parle en cris.
Nadia Anjuman (1981-2005), poétesse afghane née à Hérat, poursuit des études clandestines de littérature sous le régime taliban, au sein d’un cercle de femmes se réunissant sous couvert de cours de couture. Elle publie en 2005 un premier recueil, Gul-e-dodi (Fleur rouge sombre), salué comme un renouveau de la poésie dari et best-seller en Afghanistan. Sa poésie exprime la douleur des femmes réduites au silence et à l’enfermement. Après la chute des talibans, elle continue à écrire, notamment Light Blue Memories. Victime de violences conjugales, elle meurt en novembre 2005 sous les coups de son mari. Sa mort, officiellement classée comme « suicide », est dénoncée par ses proches et par l’ONU comme une tragédie et une perte majeure pour la culture afghane.










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