Khalilzad, le parrain américain des talibans

Sources vérifiées – Mission de Zalmay Khalilzad et légitimation du régime taliban

Ali-Ahmad Babak« La mission de Khalilzad : De l’effort d’intégration symbolique des Tadjiks dans le régime, pour préserver l’autorité des talibans jusqu’à rapprocher les talibans et l’Arabie Saoudite », traduit du dari, octobre 2025.
Publié dans le dossier « Pakistan, comment une armée par procuration a construit – et possède maintenant – un État par procuration ».

Najib Azad« Pakistan’s Strategic Depth Is a Global Risk: How a Proxy Army Built – and Now Owns – a Proxy State », Eurasia Review, 16 octobre 2025.
https://www.najibazad.com/post/pakistan-s-strategic-depth…

Amin Saqal« Jusqu’à quand la paix entre le Pakistan et les talibans peut-elle durer ? », The Conversation, octobre 2025.

L. Ali Khan« The Durand–Deobandi Link: How the Taliban Threaten Pakistan’s Sovereignty », Jurist.org, 2025.

Ahmad Saeedi« Commentaire sur l’avertissement du ministre pakistanais de la Défense aux talibans », 2025.

Ces sources confirment le rôle central de Zalmay Khalilzad dans la normalisation du régime taliban : gestion des tensions avec le Pakistan, rapprochement avec l’Arabie saoudite et maintien d’un pouvoir monoethnique sous tutelle américaine.

Khalilzad, le parrain américain des talibans

Certains diplomates se présentent comme des médiateurs, mais œuvrent en réalité à la destruction des nations. Zalmay Khalilzad, ancien émissaire de Washington, appartient à cette catégorie. Sous prétexte de “réalisme politique”, il a façonné l’un des plus grands désastres stratégiques du XXIe siècle : le retour au pouvoir d’un régime obscurantiste. Aujourd’hui encore, il s’emploie à rendre les talibans fréquentables — et donc légitimes — sur la scène internationale.

Derrière l’apparence d’un artisan de la paix, Khalilzad est devenu le véritable architecte du pouvoir taliban. Afghan d’origine pachtoune, il agit moins en diplomate américain qu’en président officieux d’un pays qu’il a contribué à livrer à ses bourreaux. Il n’a jamais cherché à reconstruire l’Afghanistan, mais à en préserver une forme d’ordre autoritaire compatible avec les intérêts de Washington, d’Islamabad et, désormais, de Riyad.

L’ingénieur du retour taliban

L’accord de Doha, qu’il a négocié en 2020 au nom de Donald Trump, n’était pas un accord de paix, mais une reddition en bonne et due forme. En échange d’une promesse vide sur la lutte antiterroriste, les talibans obtenaient la reconnaissance internationale et le retrait précipité des troupes américaines. Quelques mois plus tard, Kaboul s’effondrait.
Khalilzad, plus qu’un négociateur, fut l’ingénieur de cette chute : il voyait dans les talibans une force “gérable”, capable d’assurer une stabilité minimale au bénéfice des puissances régionales, au prix du sacrifice d’une génération d’Afghans — et surtout d’Afghanes.

Un manipulateur au service du pouvoir

Son retour récent à Kaboul, présenté comme “non officiel”, confirme le rôle qu’il continue de jouer. Selon les sources citées dans le document, il s’est personnellement impliqué pour apaiser les tensions entre Islamabad et le régime taliban, redoutant qu’une guerre ouverte ne provoque l’effondrement du groupe qu’il a contribué à installer. Autrement dit, il protège les talibans d’une chute qu’ils méritent, au nom d’une “stabilité régionale” qui n’est qu’un masque pour l’immobilisme.

Il ne se contente pas d’intervenir sur les questions de sécurité : il conseille aussi les talibans sur leur stratégie politique. Il aurait proposé d’intégrer quelques figures tadjikes au gouvernement pour donner une illusion d’ouverture. Ce geste symbolique ne trompe personne : le régime demeure une autocratie monoethnique et théocratique, qui gouverne par la peur, nie les droits fondamentaux et efface les femmes de la vie publique.

L’Arabie saoudite, nouvel axe de légitimation

La manœuvre la plus révélatrice est son travail de rapprochement entre les talibans et l’Arabie saoudite. Après la rupture avec le Pakistan, Khalilzad cherche à redonner au régime afghan une assise économique et religieuse grâce au soutien du royaume wahhabite, parrain historique du mouvement dans les années 1990.
Ce jeu triangulaire est cynique : Washington, via Khalilzad, veut à la fois apaiser Islamabad, contenir les ambitions de l’Inde et maintenir un canal de dialogue avec un pouvoir théocratique dont il a lui-même favorisé le retour. L’Arabie saoudite, de son côté, y voit une opportunité de consolider son influence religieuse et financière dans la région. Quant aux talibans, ils y trouvent les ressources nécessaires pour survivre politiquement — et économiquement — sans réformer.

L’alliance du cynisme et de l’obscurantisme

Cette recomposition est une trahison à la fois morale et stratégique. En prétendant “stabiliser” l’Afghanistan, Khalilzad et ses partenaires réhabilitent un régime féminicide. En rétablissant le lien Riyad-Kaboul, ils recréent le triangle d’influence qui avait permis la naissance du premier émirat taliban. Derrière les discours sur la “modération”, tout reste inchangé : interdiction de l’éducation des filles, effondrement de la presse libre, arrestations massives, torture et exécutions publiques.

Ce que Khalilzad appelle “dialogue pragmatique” n’est qu’une façade. Il redore l’image d’un pouvoir qui pratique l’apartheid de genre et la répression ethnique. L’idée même qu’on puisse “intégrer” les talibans dans la communauté internationale relève d’une imposture morale. On ne réforme pas un système fondé sur la soumission et la peur : on le combat ou on le cautionne.

Le président de l’ombre

Khalilzad agit aujourd’hui comme un véritable président fantôme. Ses connexions à Washington, Doha et Riyad lui permettent de contrôler les lignes de communication entre le régime taliban et les puissances étrangères. Il n’a pas besoin de mandat officiel : il parle, négocie, oriente les alliances et ouvre des canaux économiques, comme en témoigne sa réunion à Kaboul avec le vice-premier ministre taliban Mullah Baradar et le président de la société saoudienne Delta International.
Cette collusion entre diplomatie et affaires illustre une constante : la marchandisation du pouvoir afghan. L’émir autoproclamé gouverne, mais c’est Khalilzad qui négocie sa survie. Et tant que ce jeu perdure, les crimes du régime seront recouverts par le vernis d’une pseudo-légitimité internationale.

Vers une reconnaissance programmée

Le processus de normalisation est déjà en marche. Le Qatar offre toujours une vitrine diplomatique aux talibans. L’Arabie saoudite, la Russie, la Chine et l’Iran multiplient les échanges. Sous l’influence de Khalilzad, certains milieux à Washington évoquent un “réengagement conditionnel” avec le régime pour des raisons “humanitaires”. L’hypocrisie est totale : on prépare la reconnaissance d’un gouvernement d’apartheid religieux au nom du “pragmatisme”.

Ce cynisme n’est pas seulement une faute politique : c’est une faute historique. En légitimant les talibans, on consacre la victoire d’un régime qui a réduit la moitié du pays au silence et plongé le reste dans la peur. On sacrifie les droits des femmes sur l’autel de la géopolitique, et l’on transforme l’Afghanistan en un laboratoire de l’impunité.

L’outrage absolu

Ce que Khalilzad appelle “réalisme” n’est qu’un mot pour dire renoncement. En vendant les talibans comme des partenaires “modérés”, il blanchit leurs crimes. En prétendant parler au nom de la paix, il prépare leur reconnaissance. Et en défendant leur survie, il signe la mort politique et morale du peuple afghan.

L’histoire retiendra que le retour des talibans n’a pas été l’œuvre d’un groupe fanatique isolé, mais le résultat d’une complicité internationale incarnée par un seul homme : Zalmay Khalilzad. Il a livré son pays à la barbarie, offert aux États-Unis une illusion de victoire et au monde un monstre institutionnalisé. Sous ses airs de diplomate, il demeure le plus habile des manipulateurs : celui qui parle de paix pour mieux pérenniser la guerre.

Le pire est à venir : le régime taliban sera bientôt reconnu, sur la seule volonté d’un homme et la lâcheté d’un empire. Et cette reconnaissance, scellée dans le silence des chancelleries, restera comme une tache indélébile sur la conscience du monde.

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