Tués pour avoir défendu leur pays !

Talibans : la chasse aux anciens soldats afghans, un crime étouffé par les silences diplomatiques

En août 2021, les talibans annoncent une « amnistie générale » pour les anciens soldats et fonctionnaires de la République afghane. Cette déclaration sert de vitrine politique et rassure une communauté internationale pressée de tourner la page. Mais sur le terrain, l’amnistie est un mensonge. Dès les premières semaines, les talibans convoquent les anciens militaires pour un « enregistrement », collectent leurs données, identifient leurs réseaux, puis les traquent. Ce n’est pas une dérive locale. C’est une politique.

L’UNAMA, la mission des Nations unies en Afghanistan, a documenté au moins 218 exécutions extrajudiciaires entre 2021 et mi-2023, plus de 800 cas de torture, disparitions forcées et détentions arbitraires. Human Rights Watch parle de « plusieurs centaines » de victimes. Amnesty International évoque des « crimes contre l’humanité » et des « punitions collectives ». Ces chiffres, déjà alarmants, ne couvrent qu’une petite partie de la réalité. Dans les zones rurales, les familles n’osent pas parler. Les médias indépendants sont muselés. Plus les talibans s’installent, plus les traces disparaissent.

Une nouvelle enquête internationale, menée par 8AM Media, Etilaatroz, Lighthouse Reports, The Independent et Military Times, dévoile que la campagne d’assassinats s’est intensifiée ces deux dernières années. Au moins 110 anciens membres des forces de sécurité afghanes ont été exécutés entre 2023 et mi-2025. Dans 18 cas, les victimes ont été tuées sur les seuls sept premiers mois de 2025. Chaque cas a été confirmé par des sources militaires ou d’anciens conseillers américains. Ces hommes avaient servi aux côtés des forces de l’OTAN, participé aux opérations spéciales, risqué leur vie pour défendre leur pays. Ils devaient être protégés. Ils ont été abandonnés.

Les témoignages sont glaçants. Haidari, ancien des forces spéciales, arrêté puis torturé, fuit en Iran. Expulsé vers l’Afghanistan, il est abattu devant chez lui par les talibans. Sa femme n’a pas eu le droit d’organiser ses funérailles. Ahmad, autre ancien soldat, vivait caché. Un soir, son corps est retrouvé criblé de balles. Aucun procès, aucune enquête. Dans d’autres cas, les corps sont dissimulés, mutilés, enterrés en secret. La terreur est telle que les familles n’osent plus réclamer justice.

Mahmood, ancien partenaire des forces spéciales américaines, a été torturé jusqu’à ce qu’il donne les noms et numéros de ses anciens collègues. Il raconte les chocs électriques, les noyades simulées, la suffocation avec un sac en plastique, la position sur une jambe pendant 24 heures, la suspension la tête en bas. Il a fini par céder. Les talibans utilisent chaque prisonnier pour remonter la chaîne et écraser tout réseau potentiel. Ce n’est pas une vengeance individuelle. C’est une stratégie d’élimination.

Pourquoi les talibans ciblent-ils ces hommes avec une telle obsession ? Parce qu’ils ont été les piliers de l’État républicain. Ils étaient formés, organisés, loyaux, capables de se regrouper. Ils représentaient une alternative militaire crédible. Tant qu’un ancien commandant, un ancien commando ou un ancien agent du renseignement existe, l’Émirat n’est pas en sécurité. En les détruisant, les talibans effacent la mémoire d’un Afghanistan libre et la possibilité de sa renaissance.

Mais il y a une responsabilité encore plus lourde : celle de la communauté internationale. Ces soldats n’étaient pas de simples recrues. Ils étaient les alliés directs des forces américaines, britanniques, françaises. Des conseillers militaires occidentaux le disent ouvertement : « Ils étaient nos hommes. Nous avons vécu avec eux, combattu avec eux, nous avions une confiance totale. » Pourtant, lors de la chute de Kaboul, beaucoup ont été abandonnés. Les programmes de visas spéciaux (SIV) étaient limités par des critères administratifs absurdes. Les voies de réinstallation P-1 ont été suspendues en 2025. Le statut de protection temporaire (TPS) a été retiré. Des milliers d’alliés afghans ont été piégés. Ceux qui ont survécu à la guerre ont été livrés à leurs bourreaux.

Pendant ce temps, certains États rétablissent des relations diplomatiques avec les talibans. D’autres expulseront bientôt des réfugiés vers l’Afghanistan. L’Europe évoque même la coopération sécuritaire avec les talibans. Certains pays négocient des intérêts économiques – mines, corridors commerciaux, pipelines – en échange d’un silence politique. Le message est clair : la stabilité vaut plus que la justice. On discute avec les talibans comme s’ils étaient un gouvernement normal, alors qu’ils commettent des exécutions extrajudiciaires en série. Tant que ces crimes sont admis comme un « coût secondaire du pouvoir », les talibans savent qu’ils peuvent continuer.

Ce qui se joue n’est pas seulement une purge militaire. C’est une guerre contre la mémoire et contre la souveraineté afghane. Éliminer les anciens soldats, c’est détruire ceux qui ont défendu la nation. C’est empêcher toute organisation d’une future résistance. C’est effacer la trace d’un État différent. C’est dire au peuple : il n’y a plus d’alternative, plus de héros, plus d’armée, seulement la soumission.

Et pourtant, ces hommes n’étaient pas des mercenaires. Ils étaient des patriotes. Haidari, selon sa femme, voulait « un pays où les enfants puissent aller à l’école et où sa famille n’ait plus à fuir ». Ils se sont engagés parce qu’ils croyaient en un Afghanistan libre, moderne, souverain. Ils ont combattu avec honneur. Ils ont protégé des civils. Ils avaient confiance dans leurs alliés internationaux. Beaucoup ont cru aux promesses de protection. Ils ont été trahis deux fois : par leurs ennemis qui les exécutent, et par leurs alliés qui les ont abandonnés.

Aujourd’hui, ceux qui survivent vivent cachés dans des caves, dans des pays voisins, ou sous de fausses identités. Ils ont peur de répondre au téléphone. Ils ne peuvent plus se marier, travailler, voyager. Ils sont invisibles. Ils se sentent oubliés. Certains se suicident. D’autres espèrent encore être évacués. Mais chaque jour, la fenêtre se referme.

Ne pas parler de ces crimes, c’est les accepter. Ne pas dénoncer cette politique d’extermination, c’est collaborer avec elle. Les talibans ne tuent pas seulement des individus. Ils tuent l’idée même d’un Afghanistan qui aurait pu se relever. Ils veulent faire croire qu’il n’y a jamais eu d’État républicain, jamais d’armée nationale, jamais de résistance légitime. Si nous laissons disparaître ces hommes dans le silence, alors l’histoire sera réécrite par leurs bourreaux.

Ce combat n’est pas seulement militaire. C’est un combat de mémoire, de vérité et de dignité. Les anciens soldats afghans ne sont pas des victimes anonymes. Ils sont les témoins d’un pays trahi, le symbole d’une liberté confisquée, la preuve vivante que l’Afghanistan n’a pas choisi les talibans. Ce ne sont pas eux qui ont déserté la nation, ce sont les talibans qui l’ont prise en otage.

Le monde aime prétendre qu’il défend les droits humains. Voici le test ultime : protéger ceux qui ont risqué leur vie pour ces valeurs. Tant que leurs assassins ne sont pas nommés, exposés, poursuivis, toute discussion sur la « légitimité » ou la « reconnaissance » du régime taliban est une insulte à la justice.

On ne tue pas seulement d’anciens militaires.
On assassine la dernière preuve que l’Afghanistan a résisté.

Assassinats d’anciens soldats afghans — Rapports & enquêtes vérifiés

Sélection ONU, ONG internationales et presse d’investigation (2021–2025).

Rapports de l’ONU (UNAMA / OHCHR / HRC)

ONG internationales (HRW, Amnesty International)

Presse & enquêtes d’investigation (2023–2025)

Références officielles US (contexte)



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