Talibans : l’état mafieux

Ce dossier n’est pas clos et fera l’objet de mises à jour régulières. Les révélations sur la corruption talibane se succèdent presque chaque jour, du sommet de l’Émirat jusqu’aux plus petits commandants locaux. Chaque mise à jour documente une nouvelle affaire de détournement, d’extorsion ou de prédation, confirmant que l’Afghanistan vit sous l’emprise d’un véritable État mafieux.
Corruption systémique, détournements, extorsions et pillage des ressources — preuves et mises à jour documentées.
Mises à jour (anti-chronologique)
— Mines pillées et économie noire mondiale
Après l’opium et la méthamphétamine, les Talibans ont fait du pillage systématique des mines la nouvelle colonne vertébrale de leur économie criminelle. Ressources estimées entre 1 et 3 trillions de dollars (or, lithium, cuivre, uranium, lapis, terres rares) sont confisquées pour alimenter la guerre et la répression. Figures liées au narcotrafic, comme Bashir Noorzai, gèrent directement certains contrats. Dans le nord-est, les mines d’or de Badakhshan sont exploitées sous monopole taliban, avec assassinats de mineurs opposants ; les pierres précieuses sortent à plus de 95 % via le Pakistan vers Dubaï, la Chine ou l’Inde. Le fluorine, vital pour l’industrie sidérurgique, est exporté vers la Chine et la Corée du Sud, hypothéquant l’avenir industriel du pays.
Au plan international, la Chine joue un rôle clé : exonération totale de droits de douane pour les exportations afghanes, légitimant la prédation tout en renforçant sa propre chaîne industrielle. Cette intégration au marché mondial transforme l’Afghanistan en maillon d’une économie noire globale. La survie des Talibans dépend de ces flux : couper cette artère financière — via sanctions, traçabilité et soutien à des alternatives légitimes — est le seul moyen de les affaiblir.
Source : 8am.media — From Plundering Mines to the Global Power Game
— Kaboul : crise de l’eau et “mafia de l’eau”
La diminution rapide des nappes phréatiques à Kaboul — alimentée par la sécheresse, des forages anarchiques et une gestion défaillante — plonge la capitale dans une pénurie aiguë. Des quartiers entiers signalent des puits à sec, une eau boueuse ou des coupures prolongées ; des familles parcourent chaque jour de longues distances pour remplir des bidons, quand d’autres achètent à prix fort une eau traitée sommairement par des opérateurs privés. Des experts alertent sur des risques en cascade : affaissement des sols et vulnérabilité sismique, baisse des rendements agricoles, insécurité alimentaire, migrations internes et tensions sociales. Des agences internationales (UNICEF, Mercy Corps, ONU-Habitat) avertissent que, sans investissements massifs (recharge des nappes, collecte des pluies, contrôle des forages, irrigation moderne), Kaboul pourrait “s’assécher” d’ici 2030.
Source : 8am.media — Water Crisis and Water Mafia in Kabul: Situation Becomes More Critical Each Day
— Séismes à l’est : aides saisies et détournées
À la suite des tremblements de terre meurtriers dans l’est de l’Afghanistan, des témoignages concordants décrivent une captation de l’aide par les autorités talibanes : centralisation forcée des dons à Kunar sans enregistrement ni traçabilité, rétention d’acheminements à Kaboul et Nangarhar, écoulement au marché noir et favoritisme local. Des médecins et bénévoles, notamment des femmes soignantes, auraient été empêchés d’opérer, aggravant la mortalité évitable. Des propositions d’urgence émergent : comités locaux indépendants pour la distribution, supervision internationale à l’entrée et en entrepôt, fonds monétaire transparent, et facilitation de l’engagement des professionnelles de santé. Sans garde-fous, l’aide devient rente politique et source d’enrichissement illicite au détriment des sinistrés.
Source : Bazgasht News (Telegram, non accessible par lien direct)
— Kandahar : usine de production d’héroïne et de “crystal”
Des rapports attribuent à un commandant taliban, “Mawlawi Talib”, proche de la direction de l’Émirat, le pilotage d’une installation de production de drogues dans le district de Ghorak (région de Chai Babar), avec déclinaisons en Helmand. Les lignes rapportées incluent opium, héroïne et méthamphétamine (“crystal”), illustrant l’évolution d’une économie de rente vers des chaînes criminelles plus industrialisées et lucratives. Ces éléments recoupent les alertes du comité des sanctions de l’ONU sur des collusions de hauts responsables avec des réseaux de production et de trafic, confirmant l’imbrication structurelle du régime dans la drogue — du prélèvement de “dîmes” locales à l’organisation de filières d’exportation.
Sources : Bazgasht News (Telegram, non accessible par lien direct) ; références publiques antérieures du comité des sanctions de l’ONU
Rapport initial — La pureté n’est qu’un masque : les Talibans pillent au nom de la vertu
Les Talibans assis sur un tas d’or : anatomie d’un régime mafieux
La corruption comme système
Lorsque les Talibans sont revenus au pouvoir en août 2021, ils ont promis d’en finir avec la corruption généralisée qui avait rongé la République afghane. À les entendre, leur régime religieux devait ramener l’ordre, la justice et la pureté dans un pays gangrené par le clientélisme et les détournements. Quatre ans plus tard, l’illusion a volé en éclats. L’Afghanistan figure aujourd’hui à la 165ᵉ place sur 180 dans le classement de Transparency International, parmi les pays les plus corrompus au monde.
Le paradoxe est cruel : au nom de la vertu, les Talibans ont instauré un système mafieux où chaque acte de la vie quotidienne — du simple déplacement sur une route à la construction d’un immeuble, de l’exploitation d’une mine à l’obtention d’un permis administratif — est soumis à extorsion. Loin d’éradiquer la corruption de la République, ils l’ont institutionnalisée et amplifiée, transformant l’Afghanistan en un véritable royaume de la prédation.
L’économie informelle hors drogue
Derrière l’apparente austérité du régime se cache une économie parallèle foisonnante. Les Talibans se sont emparés de toutes les sources de rente possibles pour financer leur appareil sécuritaire et enrichir leurs élites. Les routes et les postes de contrôle sont devenus des péages clandestins, où chauffeurs et commerçants doivent payer pour circuler. Les camions de marchandises, venant du Pakistan ou d’Iran, sont systématiquement taxés. Les cargaisons de farine, de carburant ou de textile sont « tarifées » au bon vouloir des commandants locaux.
À cela s’ajoute la contrebande organisée de carburants et d’électricité. L’Afghanistan importe massivement ses besoins énergétiques des pays voisins, mais les Talibans détournent, surtaxent et redistribuent ces flux à leur avantage. Les lignes électriques importées du Tadjikistan ou d’Ouzbékistan sont devenues des points de chantage : la population subit des coupures tandis que les revenus officieux gonflent les caisses talibanes. Les circuits de contrebande avec le Pakistan et l’Iran, déjà florissants du temps de la République, sont désormais contrôlés directement par les réseaux talibans.
Cette économie informelle hors drogue constitue une véritable matrice de survie : elle alimente les finances de l’Émirat tout en privant la population d’accès équitable aux biens essentiels. La pauvreté s’aggrave, mais les Talibans prospèrent.
Les mines d’émeraude du Panjshir
Au cœur de cette prédation se trouve un symbole particulièrement fort : les mines d’émeraude du Panjshir. Sous Ahmad Shah Massoud, ces pierres précieuses étaient la principale ressource de la résistance contre les Soviétiques puis contre les Talibans dans les années 1990. Elles finançaient les armes, la logistique, la survie d’une vallée devenue bastion de liberté.
Aujourd’hui, ce trésor est tombé entre les mains de ceux-là mêmes que Massoud combattait. Les Talibans ont pris le contrôle des mines au prix d’une répression brutale : arrestations arbitraires, déplacements forcés, exécutions sommaires. Les habitants de la vallée, déjà martyrisés par les offensives militaires, voient leurs ressources naturelles confisquées. Les émeraudes, elles, prennent le chemin de Dubaï et du Pakistan, intégrées dans des circuits opaques de revente où l’argent sale se blanchit à l’abri des regards.
Ce pillage est plus qu’un simple profit économique : il s’agit d’une revanche symbolique contre le Panjshir, réduit au silence par la confiscation de sa richesse. Les Talibans cherchent à effacer l’héritage de Massoud en transformant le trésor de la résistance en rente mafieuse.
Du pavot à la méthamphétamine
Pendant deux décennies, l’Afghanistan a été le premier producteur mondial d’opium. Les Talibans en ont longtemps tiré profit, tout en affichant parfois une interdiction opportuniste destinée à amadouer la communauté internationale. Mais depuis leur retour au pouvoir, une mutation silencieuse s’opère : la méthamphétamine est en train de remplacer le pavot comme produit phare du narcotrafic afghan.
Les laboratoires clandestins se multiplient, souvent dans des zones rurales reculées. La chimie de fortune transforme des plantes locales, comme l’éphédra, en drogues synthétiques exportées vers l’Iran, le Golfe, voire l’Europe. Le coût de production est faible, les marges immenses. Les Talibans, tout en proclamant leur « vertu islamique », ferment les yeux — ou plutôt prélèvent leur part.
Ce basculement est lourd de conséquences. L’opium restait lié à une agriculture traditionnelle, avec des paysans dépendants mais insérés dans des circuits locaux. La méthamphétamine, en revanche, est une drogue industrielle, destructrice et facile à écouler. Elle ouvre la voie à une économie criminelle encore plus dangereuse, dont les Talibans se posent en parrains.
Kaboul, capitale en ruine
C’est dans la capitale que les dérives prennent un visage particulièrement concret. Comme l’a révélé 8am.media, les Talibans ont inventé une nouvelle forme d’extorsion : la corruption urbaine. Les permis de construire sont monnayés à des prix exorbitants, bien au-delà des limites légales. Dans certains quartiers, là où seuls quatre ou cinq étages sont autorisés, les Talibans délivrent des permis pour des immeubles de dix ou onze étages, en échange de plusieurs centaines de milliers de dollars. Parfois, ils deviennent même « partenaires » des projets immobiliers, exigeant un appartement entier en guise de pot-de-vin.
Lorsque les promoteurs n’ont pas les fonds immédiatement, les Talibans les obligent à signer des reconnaissances de dettes. La corruption devient ainsi crédit, transformée en créance mafieuse. Un district commander peut réclamer 50 à 100 000 dollars par appartement, menaçant de bloquer le chantier s’il n’est pas payé.
Les conséquences sont dramatiques. Kaboul, déjà surpeuplée, voit sa densité exploser sans planification. Les infrastructures — routes, égouts, eau, électricité — sont incapables de suivre. Les espaces verts disparaissent, la circulation se paralyse, la pollution atteint des sommets, surtout l’hiver avec l’usage massif de combustibles fossiles. Pire encore : la multiplication d’immeubles mal construits augmente le risque d’effondrement en cas de séisme.
Pendant ce temps, les Talibans organisent des cérémonies d’inauguration factices pour des projets hérités de la République, qu’ils présentent comme des réalisations nouvelles. Or, les documents budgétaires de 2025 prouvent que moins de 10 % des projets annoncés ont réellement commencé. La « reconstruction » n’est qu’un décor destiné à tromper l’opinion.
Un État mafieux en habits religieux
Ce tableau compose une image cohérente : les Talibans ne sont pas un gouvernement mais une organisation criminelle. Ils administrent le pays comme un cartel, où chaque autorisation, chaque protection, chaque sécurité se paie. Le discours religieux sert de paravent à un système fondé sur le pot-de-vin, le trafic et l’extorsion.
La peur et la religion fonctionnent comme des outils de silence. La police des mœurs réprime les femmes et impose le voile, tandis que dans l’ombre, les chefs de district négocient permis et pots-de-vin. Les prêches du vendredi invoquent la vertu, mais les caisses de l’Émirat se remplissent d’argent sale.
Cette contradiction est flagrante pour les Afghans, qui voient leur quotidien s’effondrer sous le poids des taxes arbitraires et des extorsions. Mais elle reste largement ignorée par une communauté internationale qui préfère parfois considérer les Talibans comme un interlocuteur « pragmatique ». En réalité, il n’existe aucun pragmatisme dans un système où la corruption est la règle et la prédation le mode de gouvernement.
L’Afghanistan, royaume de la prédation
Quatre ans après la chute de Kaboul, le bilan est implacable. Les Talibans n’ont pas éradiqué la corruption : ils l’ont transformée en colonne vertébrale de leur régime. De la contrebande de carburant à l’exploitation des émeraudes du Panjshir, du narcotrafic à la vente de permis de construire frauduleux, chaque ressource du pays est confisquée au profit d’un pouvoir mafieux.
Assis sur un tas d’or — au sens propre comme au figuré —, les Talibans se présentent comme des gardiens de la vertu alors qu’ils dévorent la société afghane de l’intérieur. Leur régime, loin d’être une théocratie stable, est un cartel en habits religieux. La question n’est plus de savoir s’ils corrompent l’Afghanistan : ils l’ont déjà fait. Elle est plutôt de savoir jusqu’où la communauté internationale acceptera de fermer les yeux sur ce mensonge, et combien de temps les Afghans pourront survivre sous le poids de ce pouvoir prédateur.
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