La justice spectacle des Talibans : la loi du sang dans les stades

Vendredi 30 mai 2025. L’Afghanistan a replongé dans un théâtre macabre digne de ses heures les plus sombres. Dans trois provinces du pays, les talibans ont procédé à quatre exécutions publiques en une seule journée, un record depuis leur retour au pouvoir en août 2021. Les condamnés, tous accusés de meurtre, ont été exécutés dans des stades remplis de spectateurs, parfois jusqu’à 20 000 personnes. Leurs bourreaux : des proches des victimes, agissant au nom d’un principe d’égalité du châtiment appelé qisas, ou loi du talion.
Au-delà de l’horreur, c’est une stratégie assumée. Les autorités locales avaient appelé la population à venir « participer à l’événement », tout en interdisant téléphones et appareils photo. Ce n’est pas seulement une peine, c’est un spectacle d’intimidation, une démonstration de force, un rituel politique. Le message est clair : l’émirat islamique n’a besoin ni de reconnaissance internationale, ni de légalité moderne — il a la foule, les armes, et l’approbation silencieuse ou contrainte de ceux qu’il gouverne.
Ce retour à une justice sanglante rappelle les souvenirs glaçants des années 1996-2001, lorsque les stades de Kaboul et d’Herat étaient transformés en échafauds publics. Le souvenir de Zarmina, cette femme exécutée en 1999 sous les yeux de milliers de spectateurs, plane encore sur l’histoire collective. Vingt-cinq ans plus tard, la même logique prévaut : imposer l’ordre par la peur, ériger l’humiliation et la violence en instrument de pouvoir absolu.
Les talibans prétendent que ces exécutions incarnent la justice divine. Ils affirment que la loi islamique s’applique « jusqu’à la mort », comme l’a récemment déclaré leur chef reclus, Hibatullah Akhundzada. Mais il ne s’agit pas ici de religion. Il s’agit de domination. Car dans les décrets de Kandahar, la charia n’est qu’un prétexte, un langage vidé de son essence, instrumentalisé pour construire un État fondé sur l’obéissance et la terreur.
L’ONU a réagi avec indignation, appelant à un moratoire sur la peine de mort. Mais la communauté internationale reste impuissante face à ce régime qui s’affirme précisément par son isolement, son refus de toute norme universelle, et sa volonté de briser les corps autant que les esprits.
Il n’est pas anodin que ces scènes aient lieu dans des stades. Là où, ailleurs dans le monde, on acclame des victoires sportives, les talibans y organisent des liturgies de mort. Et tant que le silence global perdure, ces tribunes continueront d’être remplies — non pas de supporters, mais de témoins contraints, d’enfants marqués à vie, et de peuples prisonniers d’un pouvoir qui s’auto-érige en tribunal, en bourreau, et en Dieu.
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