La fille de Kaboul

Autrice : Fakhrieh Samandari, fondatrice de l’école en ligne Gohar Shad Begum, professeure d’université
Récit d’une fille de Kaboul – nom d’emprunt

Je m’appelle Zohra.
Je suis née à Kaboul,
cette ville au double visage :
d’un côté, des ruelles tapissées de grenadiers,
le murmure des rivières et la caresse du vent du matin ;
de l’autre, des murs criblés d’impacts et le grondement éternel de la guerre.

Mon enfance s’ouvrait sur l’appel à la prière,
mais toujours, derrière, un autre écho résonnait…
Parfois un coup de feu, parfois un sanglot.
À l’école, la maîtresse répétait :
« Étudiez pour bâtir votre avenir » —
mais nous savions déjà
qu’à Kaboul, l’avenir peut ne durer qu’un seul jour.

Ici, c’est Kaboul…
Autrefois, dans les jardins de Bagh-e-Babur,
les poètes traçaient l’amour à la pointe de leur plume ;
aujourd’hui, ses filles restent assises derrière des fenêtres closes,
feuilletant des cahiers vides.
Hier encore, ses cafés vibraient de débats et de rires ;
aujourd’hui, son silence glace plus que la guerre.

Je suis la fille de ces rues poussiéreuses.
J’ai traversé pieds nus des ruelles parfumées de terre mouillée,
passé, le cœur serré, les postes de contrôle.
Chaque jour, j’ai appris que survivre est un acte de résistance.
Chaque sourire que j’ai offert était une victoire minuscule,
mais une victoire tout de même.

Kaboul est une ville de contrastes…
Ici, une mère agrippe la main de sa fille et la presse de passer,
là, des jeunes filles au foulard éclatant, un livre serré contre elles,
rêvent de franchir un jour les portes de l’université.
Mais ces portes se sont refermées.
Et ce jour-là, j’ai compris : le silence est la pire forme de mort.

Alors j’ai pris la plume…
Pas pour raconter des histoires dorées,
mais pour écrire une vérité que l’on voulait effacer.
Pour dire que Kaboul n’est pas seulement un champ de ruines,
qu’elle a un cœur qui bat encore,
qu’elle a des filles qui rêvent encore,
et qu’elle a une femme, moi,
qui a juré de porter sa voix jusqu’à mon dernier souffle.

Je suis Zohra.
Pas seulement une fille de Kaboul,
mais la gardienne des souvenirs blessés de cette ville,
le témoin des sourires perdus dans la fumée et la poussière.
Et ma plume ne s’éteindra pas
tant que le ciel de Kaboul ne sera pas redevenu bleu.




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