En quête d’une feuille de route commune : l’opposition aux talibans peut-elle trouver un consensus ?

Par Zalmay Nishat pour Afghanistan International


Quatre ans se sont écoulés depuis la chute de la République en Afghanistan, et pendant cette période, une grande variété de mouvements politiques, de fronts militaires et de groupes de résistance civile se sont formés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Le point commun de tous ces mouvements est leur opposition aux talibans. De plus, certains d’entre eux ont présenté des plans et des programmes appelés « feuilles de route » qui visent à sortir de l’impasse actuelle et à tracer une nouvelle vision pour l’avenir de l’Afghanistan.

Dans cette optique, des efforts ont été entrepris pour créer une coordination et une solidarité entre les forces d’opposition aux talibans.

À cette fin, plusieurs structures ont été créées pour servir de plateforme commune à ces forces d’opposition. On peut citer le « Processus de Vienne pour un Afghanistan démocratique », le « Conseil de résistance pour le salut de l’Afghanistan » et, plus récemment, le « Forum national pour le salut de l’Afghanistan ».

Un certain nombre de ces structures ont également publié leurs propres feuilles de route pour résoudre la crise afghane.

 

Analyse des feuilles de route des différents mouvements

 

La Fondation mondiale Mosaic a été la première organisation à étudier et à combiner les feuilles de route des mouvements politiques et civils afghans. Son objectif était d’élaborer une « feuille de route combinée et complète » ; une étape stratégique qui pourrait mener à la solidarité et à la coordination entre l’opposition politique et civile afghane.

Bien que des mouvements comme le Processus de Vienne, le Conseil de résistance et le Forum national aient œuvré pour aligner les opposants aux talibans, ces efforts n’ont pas donné de résultats probants en raison de l’absence de vision claire sur l’« engagement » avec les talibans. Le « Dialogue national afghan » qui s’est tenu à Istanbul, en Turquie, en est un exemple. Cependant, aucun effort n’a été fait pour créer une feuille de route combinée et complète.

Dans le cadre de sa conférence annuelle à l’Université de Cambridge en septembre 2024, la Fondation mondiale Mosaic a invité six mouvements politiques afghans à présenter leurs plans et leurs feuilles de route. Des experts indépendants ont également été conviés pour les examiner. Les mouvements et organisations politiques qui ont participé ont présenté leurs visions pour l’avenir de l’Afghanistan :

  • Le Processus de Vienne pour un Afghanistan démocratique

  • Le Conseil de résistance nationale pour le salut de l’Afghanistan

  • Le Mouvement national pour la confiance en Afghanistan

  • L’Assemblée des fédéralistes afghans

  • Le Front de libération de l’Afghanistan

  • Le Parti des citoyens afghans

Ces feuilles de route reflètent des points de vue politiques variés, et chacune propose des stratégies uniques pour résoudre la crise actuelle. La conférence s’est terminée sur un sentiment partagé d’urgence et de responsabilité, en mettant l’accent sur le potentiel des solutions innovantes et collaboratives. Cet échange d’idées a fourni une plateforme pour le dialogue et les actions futures. L’analyse menée par David Levine a montré que plus de 90 % du contenu de ces feuilles de route se recoupent, un point qui justifie la nécessité de travailler sur l’élaboration d’une « feuille de route combinée et complète ».


 

Réalisation d’une « feuille de route combinée et complète »

 

À la suite des conclusions de la conférence de 2024, un groupe de travail composé de représentants de certains des six mouvements ayant présenté des feuilles de route et d’experts indépendants a été mis sur pied. Son objectif était de rassembler d’autres plans en plus des feuilles de route existantes et d’en extraire les points communs. La Fondation mondiale Mosaic a agi en tant que facilitateur de ce processus.

Ce groupe de travail comprend des représentants du Mouvement national pour la confiance en Afghanistan et du Processus de Vienne. La présidence du groupe de travail a également été confiée au « Mouvement pour la coexistence et la libération », une organisation dont l’une des missions est de coordonner et d’aligner les forces d’opposition aux talibans. En outre, pour renforcer la représentation de la société civile, des femmes et des journalistes, le « Forum démocratique du nouvel Afghanistan » (NAD-Forum) a également été invité à en faire partie.

 

Les points communs des plans

 

Le groupe de travail a examiné un total de 12 feuilles de route et 8 plans soumis par diverses organisations et entités. Les résultats montrent qu’environ 90 % des visions et objectifs de ces documents sont alignés et partagés. Tous ces plans ont un point commun fondamental : un profond mécontentement face à la situation actuelle et la volonté de la changer.

La plupart de ces organisations estiment que le futur système politique de l’Afghanistan doit être basé sur le droit du peuple à l’autodétermination, et prendre la forme d’un référendum national. Tous ces mouvements placent des valeurs telles que la démocratie, les droits de l’homme et les libertés civiles en tête de leurs priorités.

 

Les points de divergence dans les plans

 

Malgré les nombreuses similitudes, il existe également des différences entre ces feuilles de route et ces visions. Les plus importantes concernent les perceptions inégales du problème de l’injustice ethnique, qui est un sujet de sérieuse divergence. Des points de vue variés sont également exprimés sur les méthodes de lutte et la manière d’opérer des changements en Afghanistan ; certains mouvements soutiennent toute forme de lutte légitime, y compris la lutte armée, tandis que d’autres insistent sur les méthodes pacifiques.

Les opinions divergent également sur le rôle des acteurs étrangers et des institutions internationales. Un groupe insiste sur l’importance du rôle de ces facteurs externes, tandis que d’autres estiment que la responsabilité principale incombe aux mouvements politiques et civils internes.

Le type de système politique souhaité, qu’il soit centralisé, fédéral ou parlementaire décentralisé, est également un sujet de débat et de divergence d’opinions parmi les mouvements, et chacune de ces options nécessite un dialogue sérieux et professionnel. Cependant, un point que certains mouvements considèrent comme l’un des fondements de la légitimité et de l’acceptabilité du processus de gouvernance est la reconnaissance de la diversité et du pluralisme culturel et la relecture des identités et symboles nationaux de l’Afghanistan.

Par conséquent, un dialogue continu entre ces mouvements sur ces questions est très nécessaire, et la Fondation mondiale Mosaic s’engage à fournir la plateforme pour que ces dialogues aient lieu.


 

Conférence 2025 et présentation de la « feuille de route combinée et complète »

 

La « feuille de route combinée et complète », qui a été élaborée sur la base de l’analyse de toutes les feuilles de route et des plans reçus, devrait être dévoilée et discutée lors de la quatrième conférence annuelle de la Fondation mondiale Mosaic, qui se tiendra les 19 et 20 septembre 2025 au Jesus College de l’Université de Cambridge.

Mosaic a l’intention de fournir un espace de débat et de dialogue franc entre les participants à la conférence, en particulier sur les points de vue divergents. Ce dialogue impliquera des représentants politiques, des militants de la société civile, des femmes, des universitaires, des étudiants et des jeunes, afin de parvenir à un accord final sur la « feuille de route combinée et complète ».

 

La Fondation mondiale Mosaic

 

La Fondation mondiale Mosaic est une organisation caritative basée au Royaume-Uni qui croit aux valeurs de diversité et de pluralisme dans les sociétés multiculturelles et qui œuvre pour promouvoir la paix et la coopération en Asie centrale.

L’organisation de la conférence annuelle à l’Université de Cambridge est l’une des activités clés de la fondation. Mosaic mène également de nombreux projets dans les domaines de l’éducation, de la création de plateformes de dialogue pour la société civile, de la promotion des droits de l’homme, en particulier la campagne contre l’apartheid de genre, des dialogues intergénérationnels et interculturels, et de l’intégration des migrants au Royaume-Uni.

Programme de la Fondation mondiale Mosaic à l’Université de Cambridge, Londres.



Comments are closed