Comment Washington a coupé les ailes de l’armée afghane

L’abandon logistique de l’Armée nationale afghane par les États-Unis

1. Une armée construite sur une dépendance totale

Entre 2001 et 2021, les États-Unis ont investi près de 90 milliards de dollars pour former et équiper l’Armée nationale afghane (ANA).

  • Dépendance à l’aviation : Les opérations reposaient sur les hélicoptères UH-60 Black Hawk, Mi-17, les avions légers A-29 Super Tucano et les drones ScanEagle pour le transport, le ravitaillement et les frappes aériennes.
  • Maintenance externalisée : Plus de 80 % de la maintenance des aéronefs, véhicules blindés et systèmes d’armes dépendait de sous-traitants civils américains et occidentaux.
  • Logistique centralisée : Les systèmes de suivi des pièces détachées et de planification des missions étaient pilotés depuis les bases américaines de Bagram et Kandahar.

Résultat : l’armée afghane ne pouvait fonctionner qu’adossée à l’appui technique américain.

2. Le retrait brutal de la logistique aérienne

L’annonce du retrait américain par l’administration Biden, en avril 2021, a déclenché l’effondrement logistique :

  • Départ des contractants : Les techniciens civils assurant la maintenance des avions et hélicoptères ont quitté l’Afghanistan en quelques semaines.
  • Fermeture des bases clés : La base de Bagram, cœur du contrôle aérien et de la maintenance, a été évacuée le 2 juillet 2021 sans prévenir les autorités afghanes.
  • Arrêt du ravitaillement aérien : Les petites garnisons isolées, auparavant approvisionnées par voie aérienne, ont été laissées à court de munitions et de vivres.

En août 2021, moins d’un tiers de la flotte aérienne afghane était encore opérationnelle.

3. L’arrêt des programmes de maintenance des armements

En parallèle, tous les programmes de maintenance ont été interrompus :

  • Véhicules blindés : Les Humvees et véhicules MRAP sont tombés en panne faute de pièces détachées.
  • Artillerie et systèmes lourds : Les obusiers M777 et mortiers lourds n’étaient plus calibrés ni approvisionnés en munitions guidées.
  • Systèmes de communication et de renseignement : Les équipements cryptés et les logiciels de commandement fournis par les États-Unis ont été désactivés, paralysant la coordination.

Cette coupure logistique a transformé en quelques semaines l’armée afghane en une force désarmée et aveugle.


4. Les conséquences immédiates : effondrement moral et militaire

Privée de soutien aérien et logistique :

  • Les garnisons isolées ont été encerclées et forcées à se rendre aux Talibans.
  • Les unités d’élite, comme les commandos de l’ANA, ont combattu sans renforts avant d’être décimées.
  • La démoralisation a été instantanée : les soldats savaient que Washington leur avait retiré la capacité de se défendre.

L’armée afghane n’a donc pas été vaincue uniquement sur le champ de bataille : elle a été neutralisée par l’arrêt volontaire de son soutien vital.


5. Un effondrement prévisible

Le SIGAR (Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction) avait alerté à plusieurs reprises :

  • Rapport de janvier 2021 : « L’armée de l’air afghane ne peut fonctionner plus de quelques mois sans le soutien des contractants américains. »
  • Rapport d’août 2021 : « L’effondrement de l’ANA reflète l’arrêt simultané de l’appui aérien et logistique américain. »

L’effondrement de l’armée afghane était donc le résultat direct du retrait américain des infrastructures logistiques et de maintenance.



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