Afghanistan 2025 : L’épicentre du terrorisme mondial

SIGAR 2025 : l’Afghanistan redevenu sanctuaire des groupes terroristes
Le dernier rapport du Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction (SIGAR), daté du 30 juillet 2025, dresse un constat sans appel : quatre ans après la chute de Kaboul, l’Afghanistan est redevenu un refuge pour les groupes terroristes. Malgré leurs engagements dans l’Accord de Doha signé en 2020, les Talibans n’ont pas empêché la résurgence de réseaux jihadistes, et semblent même, dans certains cas, les avoir facilités.
ISIS-Khorasan (ISIS-K) est identifié comme la menace transnationale la plus importante. Le groupe a consolidé ses bases dans les provinces de Badakhshan, Nuristan et Kunar, opérant malgré la pression antiterroriste. Durant ce trimestre, il a revendiqué une attaque à Nangarhar, tuant quatre Talibans. Le SIGAR souligne la résilience et l’adaptabilité de l’organisation face aux efforts de contre-terrorisme.
Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) bénéficie d’un soutien actif des Talibans afghans, selon le SIGAR et les Nations unies. Avec une force estimée entre 6 000 et 6 500 combattants, principalement à l’est de l’Afghanistan, le TTP mène des opérations meurtrières contre les forces de sécurité pakistanaises et cherche à gagner du territoire au Pakistan.
Al-Qaïda prospère également sous l’ombre protectrice du régime taliban. Son leader actuel, Saif al-Adl, travaille à reconstituer le réseau en Afghanistan tout en réactivant des cellules dormantes en Irak, en Libye, en Syrie et même en Europe. Selon le SIGAR, la présence de 30 à 60 membres clés, dont une douzaine de hauts dirigeants, montre la persistance d’un noyau opérationnel capable de planifier des actions transnationales.
Le rapport insiste : les Talibans ne respectent pas leurs obligations en matière de lutte contre le terrorisme. Ils affirment s’opposer à ISIS-K et signalent parfois des affrontements à Kaboul ou dans le Nord-Est, mais ces initiatives demeurent sporadiques et ne traduisent aucune stratégie crédible de démantèlement des réseaux extrémistes.
L’ONU confirme un risque de déstabilisation régionale majeur
Les constats de l’ONU viennent corroborer le SIGAR. Dans ses résolutions et ses rapports de 2025, le Conseil de sécurité et le Monitoring Team du Comité des sanctions 1267 soulignent que l’Afghanistan abrite des camps d’entraînement pour plusieurs groupes affiliés à Al-Qaïda. Les provinces de Khost, Kunar, Nangarhar, Paktika et Takhar accueillent désormais des infrastructures pour le TTP et Jamaat Ansarullah, une organisation centrasiatique proche des Talibans.
Le rapport onusien précise que le TTP bénéficie de soutiens financiers et logistiques, allant jusqu’au paiement d’allocations mensuelles à ses chefs, et que certains équipements fournis ou laissés sur place par les forces internationales sont susceptibles d’être réutilisés par ces groupes. L’ONU estime que la combinaison du retrait des aides internationales, de l’effondrement de l’économie et de l’absence de contrôle territorial efficace crée un terreau idéal pour l’expansion des organisations terroristes.
De plus, la question humanitaire se mêle à la problématique sécuritaire. L’ONU constate que la répression des femmes et des filles par les Talibans, ainsi que la fermeture de centaines de centres de santé et d’éducation, aggrave la vulnérabilité des populations et rend plus difficile tout travail de prévention contre le recrutement terroriste. Dans ce climat d’effondrement social, les groupes armés trouvent une réserve inépuisable de recrues.
Un triangle jihadiste au cœur de l’Asie
En croisant ces constats avec l’éditorial « Afghanistan : le cœur battant du terrorisme », il apparaît que le pays se trouve à la convergence d’un triangle jihadiste :
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Talibans : détenteurs du pouvoir, ils offrent au mieux un sanctuaire involontaire, au pire un soutien actif, aux groupes terroristes ;
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ISIS-K : force transnationale, à la fois ennemie des Talibans et menace directe pour la région et au-delà ;
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Al-Qaïda et ses affiliés (dont TTP) : bénéficiaires d’un environnement permissif, capables de projeter la violence en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Europe.
Le risque est double :
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Régional, avec l’intensification des attaques du TTP contre le Pakistan, qui fragilise un pays doté de l’arme nucléaire ;
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International, avec la capacité persistante d’Al-Qaïda et d’ISIS-K à frapper des intérêts américains ou alliés.
Les promesses trahies de Doha et le silence de la communauté internationale
L’Accord de Doha, censé garantir que l’Afghanistan ne servirait plus jamais de base arrière pour le terrorisme, a été vidé de sa substance. Les Talibans ont bénéficié d’un retrait précipité des troupes américaines et d’un effondrement de l’aide internationale, sans jamais tenir leurs engagements. Quatre ans plus tard, le pays est non seulement en crise humanitaire mais redevient un incubateur de menaces globales.
Face à ce constat, la communauté internationale se divise :
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Les États-Unis se retirent de l’aide humanitaire et se concentrent sur la sécurité nationale et la libération d’otages ;
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L’Union européenne tente de maintenir un filet humanitaire minimal pour éviter un effondrement total ;
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Les pays voisins (Iran, Pakistan, Russie, Chine) oscillent entre coopération sécuritaire ponctuelle et instrumentalisation des Talibans.
Une conclusion inquiétante
En 2025, l’Afghanistan confirme sa place comme cœur battant du terrorisme mondial. Les Talibans ont réinstallé un régime fondé sur la répression, la misogynie et la connivence avec des forces radicales qui dépassent leurs propres frontières. L’absence de stratégie internationale coordonnée, la baisse de l’aide humanitaire et l’indifférence croissante des grandes puissances risquent de transformer cette réalité en menace durable.
Les leçons de vingt ans d’engagement occidental semblent avoir été oubliées : sans un soutien conditionné à la gouvernance, au respect des droits humains et à la lutte antiterroriste, l’Afghanistan continuera de nourrir les foyers jihadistes qui menacent la sécurité globale.
Sources
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SIGAR – Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction
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Quarterly Report to the U.S. Congress, 30 juillet 2025.
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Lien : www.sigar.mil
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ONU – Conseil de Sécurité et Monitoring Team du Comité des sanctions 1267
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Rapports sur la situation en Afghanistan, janvier-juillet 2025.
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Lien : undocs.org
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Éditorial
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Afghanistan : le cœur battant du terrorisme, La Lettre d’Afghanistan, 2025.
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Articles de presse et analyses
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Hasht-e-Subh / 8am.media : SIGAR Report: Growing Concerns Over Taliban’s Harboring of Terrorists, 1er août 2025.
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Long War Journal : Pakistani and Tajik Taliban open training camps in Afghanistan, février 2025.
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AP News et Washington Post, dossiers sécurité régionale 2025.
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Ces sources confirment l’image d’un Afghanistan redevenu un foyer de menaces terroristes, au croisement d’ISIS-K, du TTP et d’Al-Qaïda, et pointent la responsabilité des Talibans dans la persistance et la résurgence des réseaux jihadistes.
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