Afghanistan : le hub oublié du terrorisme international
Depuis la débâcle de Kaboul, des armes américaines abandonnées inondent les marchés clandestins d’Asie et d’Afrique. De l’Afghanistan au Cachemire, en passant par Gaza, les talibans ont transformé leur butin militaire en une arme de déstabilisation globale, alimentant le terrorisme et menaçant la sécurité internationale.
Depuis la chute de Kaboul en août 2021, une quantité impressionnante d’armements américains laissés sur le sol afghan est tombée aux mains des talibans. Ce stock, évalué à plus de 7 milliards de dollars, n’alimente pas seulement l’arsenal des nouveaux maîtres de Kaboul ; il sert désormais à renforcer les capacités militaires de divers groupes terroristes dans le monde, faisant des talibans de véritables trafiquants d’armes.
Selon une enquête publiée par Foreign Policy sous la plume de Lynne O’Donnell, les marchés aux armes, désormais courants dans les régions sud et est de l’Afghanistan, proposent à la vente des fusils d’assaut M4, des grenades, des dispositifs de vision nocturne et d’autres matériels militaires sophistiqués, souvent à prix d’or. Sous des tentes de fortune ou sur des tapis poussiéreux, ces bazars d’armes offrent des équipements américains côtoyant des produits russes, pakistanais, turcs ou chinois. Un M4 en bon état peut ainsi atteindre 2 400 dollars, un symbole de prestige pour les groupes armés régionaux.
La prolifération de ces armes a déjà de lourdes conséquences. Dans les zones tribales du Pakistan, notamment au Baloutchistan et au Cachemire, des groupes comme le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) utilisent ces équipements pour attaquer des postes de police et militaires. Des vidéos de combats montrent clairement l’usage d’armes américaines, dotées d’accessoires de haute technologie, rendant la lutte contre ces groupes encore plus complexe pour les États de la région.
Un développement particulièrement inquiétant a été rapporté le 22 avril 2025 : lors d’une attaque à Pahalgam, au Cachemire, des terroristes armés de fusils M4 américains ont ciblé des touristes. L’experte australienne Lynne O’Donnell, s’exprimant dans Open Magazine, estime qu’il est « possible » que ces armes soient issues du trafic orchestré depuis l’Afghanistan par les talibans et leurs alliés, notamment le réseau Haqqani, connu pour ses liens étroits avec l’agence de renseignement pakistanaise ISI.
La situation est aggravée par le fait que, dès avant 2021, des militaires afghans corrompus avaient déjà commencé à vendre des armes fournies par les États-Unis. Ainsi, la chute rapide de la République islamique a amplifié un phénomène déjà ancien de détournement et de revente de matériel militaire. « Ce qui s’est passé en Afghanistan est probablement le plus grand cas de détournement d’armements de l’histoire moderne », affirme Justine Fleischner, spécialiste des conflits armés.
Désormais, les anciennes routes de la contrebande de drogue servent aussi à acheminer des armes sophistiquées vers l’Afrique sub-saharienne, l’Asie du Sud-Est et même le Moyen-Orient. Des groupes affiliés à l’État islamique ou à al-Qaïda profitent de cette manne pour intensifier leurs opérations, mettant en péril la sécurité régionale et mondiale.
Malgré des interdictions officielles, les talibans n’ont pas réellement mis fin à ce trafic, préférant en tirer profit, tout comme ils l’ont fait avec la production de drogue. La raréfaction relative des armes sur certains marchés n’a fait qu’en faire grimper les prix, enrichissant davantage les réseaux criminels.
Pour Lynne O’Donnell, il serait malhonnête d’accuser directement les États-Unis de cette situation : l’intention initiale, rappelle-t-elle, était de bâtir une armée nationale afghane capable de résister aux talibans. C’est l’effondrement politique et militaire soudain, provoqué notamment par une crise de confiance après l’annonce du retrait américain et de l’arrêt de l’assistance militaire et de renseignements des Etats-Unis, qui a conduit à cette débâcle.
À mesure que ces armes continuent de circuler, il devient évident que l’Afghanistan post-retrait américain est devenu non seulement un sanctuaire pour les terroristes, mais aussi un carrefour mondial du trafic d’armements de guerre. La menace dépasse désormais largement les frontières de l’Afghanistan, impactant la stabilité d’une vaste partie du globe.
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