
L’AFF, la seule résistance afghane qui inscrit sa lutte dans le droit international
Au milieu du chaos normatif imposé par le régime taliban, un fait politique inattendu est en train d’émerger, encore trop peu commenté mais d’une portée considérable : l’Afghanistan Freedom Front (AFF) est aujourd’hui le seul mouvement politico-militaire afghan à avoir formalisé un engagement complet, détaillé et juridiquement cohérent au respect du droit international, des conventions de Genève, des normes universelles des droits humains et des mécanismes de justice internationale. Alors que la plupart des fronts, armés ou politiques, se limitent à dénoncer les Talibans ou à promettre une transition démocratique sans jamais dire comment, l’AFF s’impose comme une exception, un mouvement qui articule sa légitimité non seulement sur la résistance militaire, mais aussi sur la conformité totale aux règles qui fondent l’ordre international moderne. C’est un tournant historique dans un Afghanistan où, depuis plus de quarante ans, la guerre a souvent signifié la suspension des normes, l’effacement des garanties juridiques et la primauté du rapport de force sur le droit. L’AFF inverse cette logique et pose un acte politique rare : replacer la lutte armée dans le domaine de la légalité et de la responsabilité.
Cette démarche prend d’autant plus de relief que les Talibans ont méthodiquement détruit ce qui restait de l’État de droit. Les flagellations publiques, les tribunaux d’exception, la disparition de la presse libre, l’apartheid de genre, la fermeture des écoles pour les filles, la répression contre les minorités et les arrestations arbitraires ne sont pas seulement des abus : ce sont des violations systématiques et assumées des engagements internationaux historiques de l’Afghanistan. Loin d’être des écarts, ils constituent le cœur même de la gouvernance talibane, fondée sur la coercition, l’illégalité et l’impunité. Dans ce contexte, les mouvements d’opposition oscillent entre dénonciation morale, tentatives diplomatiques dispersées et, pour certains groupes armés, absence totale de doctrine politique. L’AFF introduit un élément de rupture : il publie un manifeste complet, structuré, qui n’est pas un simple texte de mobilisation, mais un document fondateur comparable aux chartes de certains mouvements de libération reconnus dans l’histoire contemporaine.
Ce manifeste, qui repose sur une consultation large de segments politiques, civils et intellectuels, consacre de longs passages à définir ce que serait un Afghanistan post-taliban conforme aux normes universelles. L’un des éléments centraux, presque révolutionnaire dans le contexte afghan, est l’engagement explicite à respecter pleinement le droit international humanitaire, en particulier les quatre Conventions de Genève, pendant les opérations militaires. Aucun autre front actif ne s’est aventuré sur ce terrain. L’AFF affirme clairement que la lutte armée, pour être juste, doit être encadrée par des limites et des obligations. Autrement dit, la résistance n’est pas un espace qui suspend la morale et le droit, mais un combat qui doit rester responsable et conforme aux principes universels.
L’autre pilier majeur du manifeste réside dans la promesse d’adhésion complète à la Charte des Nations unies, à la Déclaration universelle des droits de l’homme, aux pactes internationaux relatifs aux droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi qu’au Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale. Cet engagement est doublement inédit. D’abord, parce qu’aucun autre acteur afghan – ni militaire, ni politique – n’a mis sur la table une telle architecture juridique. Ensuite, parce qu’il constitue un acte politique clair adressé à la communauté internationale : l’AFF se positionne comme un futur partenaire compatible avec l’ordre international, capable de reconstruire un Afghanistan respectueux de ses engagements internationaux, à rebours du régime taliban qui viole chacun d’entre eux.
La déclaration publiée le 10 décembre 2025, à l’occasion de la Journée internationale des droits humains, confirme cette orientation. L’AFF y rappelle que l’Afghanistan fut l’un des premiers signataires de la Déclaration universelle des droits de l’homme et qu’il a adhéré à sept conventions essentielles en matière de droits humains. En soulignant que les Talibans violent systématiquement ces engagements, l’AFF ne se contente pas d’une critique morale : il dénonce une rupture juridique majeure et appelle à un processus politico-international pour mettre fin à un régime illégitime et instaurer un système démocratique fondé sur le vote. C’est un message double, à destination du peuple afghan mais aussi des États démocratiques : il existe une alternative crédible, organisée, dotée d’une vision juridique solide, et qui peut incarner la transition.
Ce qui distingue profondément l’AFF des autres résistances est son refus de réduire la lutte au seul affrontement militaire. Le manifeste développe une doctrine politique détaillée : système décentralisé, séparation absolue des pouvoirs, justice indépendante, mécanismes de justice transitionnelle, commissions électorales impartiales, nouvelle constitution adoptée par référendum. On ne trouve rien d’équivalent dans la littérature des autres fronts. Le NRF, par exemple, insiste sur la lutte armée et la nécessité d’un système inclusif, mais n’articule pas un cadre juridique précis. Les coalitions politiques en exil évoquent des principes généraux, mais sans jamais proposer un projet institutionnel complet. L’AFF, lui, parle la langue des institutions, du droit et de la gouvernance. C’est une différence structurelle, et cette différence est décisive.
Car dans un monde où les Talibans cherchent à normaliser leur présence internationale, à rencontrer des envoyés européens et à se présenter comme un “gouvernement de facto”, la seule réponse crédible est un mouvement qui se positionne dans les normes, pas en marge d’elles. L’AFF adopte précisément cette stratégie. Là où les Talibans utilisent la violence pour consolider leur domination, l’AFF utilise le droit pour construire une légitimité. Là où les Talibans cherchent à effacer les femmes de la vie publique, l’AFF inscrit dans son manifeste l’engagement à soutenir les combats des femmes afghanes, à éliminer l’apartheid de genre et à garantir l’égalité dans tous les domaines. Là où les Talibans dépendent de groupes terroristes transnationaux, l’AFF affirme son refus absolu de toute association avec des mouvements extrémistes.
Cette approche n’est pas seulement morale ou symbolique. Elle est stratégique. En se plaçant d’emblée dans un cadre compatible avec les normes internationales, l’AFF devient un interlocuteur possible pour les démocraties, pour les institutions internationales, pour les organes de protection des droits humains. Dans une région saturée de groupes armés dont les intentions politiques restent opaques, l’AFF trace une ligne claire : il ne s’agit pas de remplacer un pouvoir illégal par un autre, mais de restituer la souveraineté au peuple et de reconstruire un État conforme aux principes démocratiques modernes.
Dans l’histoire afghane, c’est une rupture majeure. Le pays a longtemps été piégé dans une succession de régimes imposés, de luttes intestines, de revendications ethniques, de projets étatiques exclusifs. Pour la première fois, une résistance armée se définit comme gardienne du droit, et non comme exception au droit. C’est probablement ce qui explique, en partie, l’écho croissant de l’AFF dans la jeunesse, notamment dans les provinces où les Talibans tentent d’imposer un ordre social archaïque en contradiction totale avec les aspirations des nouvelles générations.
En définitive, l’AFF n’est pas seulement un front militaire. C’est un mouvement qui tente de réintroduire la norme, la loi, la responsabilité dans un pays où tout a été fait pour les effacer. Son manifeste n’est pas un simple document politique : c’est le premier projet institutionnel post-taliban cohérent, techniquement articulé et compatible avec le système international. Dans un Afghanistan où l’illégalité est devenue le mode de gouvernement, l’AFF avance une idée simple et révolutionnaire : la résistance ne sera victorieuse que si elle s’inscrit dans le droit, et si elle prépare un État qui le respectera.
À lire aussi



