Berlin temporise, les Talibans passent en force

L’Allemagne voulait éviter la rupture ; elle a signé sa capitulation. En confiant sans le dire le consulat afghan de Bonn à des représentants talibans, Berlin vient d’offrir au régime islamiste une victoire diplomatique et technologique majeure : l’accès à des données sensibles concernant des milliers d’Afghans réfugiés en Europe. À force de vouloir négocier sans reconnaître, de coopérer sans assumer, Berlin s’est fait prendre à son propre jeu.
Une diplomatie qui parle double
Officiellement, le gouvernement allemand ne reconnaît pas l’Émirat islamique d’Afghanistan. Officieusement, il en applique déjà les décisions. Lorsque le ministère des Affaires étrangères taliban a révoqué le consul légitime, Hamid Nangialay Kabiri, Berlin a considéré cette décision “juridiquement contraignante”. En d’autres termes, l’Allemagne n’a pas reconnu les Talibans — mais elle a exécuté leurs ordres.
Ce double discours n’est pas une erreur, mais une méthode : maintenir le contact avec le régime de Kaboul pour assurer les expulsions, tout en feignant la distance morale. Ce calcul s’est retourné contre son auteur. Le 3 octobre, le diplomate taliban Said Mustafa H., accrédité par Berlin, a pris possession du consulat général à Bonn. Deux jours plus tôt, Kabiri et ses vingt-deux collaborateurs avaient démissionné pour ne pas cautionner la mascarade.
Une prise de contrôle silencieuse, mais totale
Derrière les façades tranquilles du quartier d’Ückesdorf, les Talibans ont mis la main sur les serveurs abritant les données de plusieurs missions diplomatiques afghanes en Europe, au Canada et en Australie : passeports, certificats, registres administratifs, correspondances. Autant dire : un instrument de surveillance redoutable.
Pour les Talibans, ce n’est pas un consulat, c’est un champ de bataille numérique. Grâce à ces fichiers, ils peuvent retracer les liens familiaux des réfugiés, identifier leurs proches restés au pays, et exercer leur vengeance à distance. Car ce régime n’est pas seulement misogyne : il exécute les anciens soldats, pourchasse les fonctionnaires, élimine les journalistes, et frappe quiconque est apparenté à un opposant, en Afghanistan ou en exil.
Des avertissements ignorés
Berlin ne peut pas plaider l’ignorance. Dès février 2025, une lettre diplomatique signée par une douzaine de représentations afghanes indépendantes alertait sur le risque d’une remise du consulat aux Talibans : “millions de correspondances et dossiers personnels confidentiels”, “infrastructures critiques de communication”. Une seconde lettre, en juillet, répétait l’avertissement. Les deux sont restées sans suite.
Le ministère s’est réfugié derrière son langage favori : les “préoccupations ont été prises en compte”. Traduction : rien n’a été fait.
Les Talibans n’ont pas eu besoin d’envahir : on leur a ouvert la porte
Depuis leur installation, les nouveaux occupants ont supprimé toute référence à la République islamique d’Afghanistan du site officiel du consulat. À la place, l’esthétique blanche et verte de l’Émirat islamique s’affiche désormais sur les écrans allemands. Berlin dit “rester en contact” avec la partie afghane ; les Talibans, eux, agissent.
Cette affaire dépasse la simple négligence. Elle illustre la vulnérabilité d’une diplomatie européenne qui croit pouvoir manier les Talibans sans se salir les mains. En Allemagne comme ailleurs, la tentation est grande de préférer la gestion au principe, la procédure à la prudence.
Une bombe à retardement pour la diaspora
Le consulat de Bonn n’est pas qu’un symbole : c’est un précédent. Si les Talibans y ont eu accès, ils peuvent désormais exploiter des données sensibles sur toute la diaspora afghane en Europe. Derrière chaque nom, une famille. Derrière chaque dossier, une cible. Les Talibans savent où frapper, et leurs victimes ne sont plus seulement à Kaboul ou Hérat : elles vivent à Berlin, Paris, Londres ou Oslo.
Berlin voulait temporiser. Les Talibans, eux, sont passés en force — et désormais, ce sont tous les Afghans réfugiés en Europe, ainsi que leurs familles restées au pays, qui en paieront le prix.
• ARD Tagesschau – Afghanisches Generalkonsulat: Datenschatz für die Taliban (Peter Hornung, Philipp Eckstein, 23 octobre 2025)
tagesschau.de/…/afghanistan-botschaft-taliban-102.html
• Afghanistan International – Taliban Gains Access To Sensitive Afghan Citizens Data At Bonn Consulate
afintl.com/en/202510238198
• Reuters – Afghanistan’s Bonn consulate staff resign over accreditation of Taliban-appointed officials (2 octobre 2025)
reuters.com/…/2025-10-02
• Consulat d’Afghanistan à Bonn – Communiqué officiel (PDF) sur la remise des locaux et la démission du personnel (29 septembre 2025)
afghanconsulatebonn.de/…/Press-Release-English.pdf
• AMU TV – Afghanistan’s consulate staff in Germany resign collectively over acceptance of Taliban envoy (29 septembre 2025)
amu.tv/202794
• InfoMigrants – Germany: Afghan consulate in Bonn closes (1er octobre 2025)
infomigrants.net/…/bonn-closes
• Auswärtiges Amt (MAE allemand) – Vertretungen Afghanistans in Deutschland (liste officielle des missions diplomatiques afghanes)
auswaertiges-amt.de/…/vertretungenafghanistan-204682










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